Cette rubrique ne prétend pas à une quelconque exhaustivité. Celui qui jette son filet dans l’onde d’Internet sait qu’il trouvera de quoi remplir sa nasse mais il sait également que celle-ci ne sera pas assez profonde. Une grille de lecture et quelques critères de sélection servent de point de départ: vous lirez ci-dessous des articles relevant la mise en scène de l’histoire par les politiques ou les médias consciemment…mais aussi à leurs dépens. La qualité et la pertinence des papiers ont bien sûr une importance cardinale, d’où la nécessité de faire l’impasse sur certains évènements.
Cette rubrique est alimentée par Robin Verner, étudiant en journalisme au Centre de Formation des Journalistes (CFJ) à Paris.
Semaine du 12 au 19 décembre 2015
Argentine
Quand un quotidien assure la défense des anciens bourreaux de la dictature
En 1976, une junte militaire renversait le gouvernement d’Isabel Peron. L’armée gardera le pouvoir jusqu’en 1983 et la défaite des Argentins face aux Britanniques dans la guerre des Malouines. Dans l’intervalle, la dictature (officiellement et pudiquement nommée «Processus de réorganisation nationale») a tué des milliers d’opposants et en a fait «disparaître» trente mille autres. Funestes souvenirs qui hantent le pays depuis lors et ont conduit les anciens tortionnaires du régime en prison. Le sort de ces anciens bourreaux ne fait pas consensus apparemment car au lendemain de l’élection du libéral Macri à la tête du pays le 22 novembre, le quotidien de droite La Nacion appelait à les libérer via un édito. Le texte évoquait la «souffrance honteuse» de ces prisonniers et la «honte nationale» constituée par ces incarcérations prolongées d’hommes devenus des vieillards. Ce brûlot a choqué de larges pans de la société argentine, et jusqu’à la rédaction du journal. De nombreux journalistes de La Nacion ont d’ailleurs clairement rejeté les propos de l’éditorial.
http://bigbrowser.blog.lemonde.fr/2015/11/23/indignation-en-argentine-apres-leditorial-du-journal-la-nacion-prenant-la-defense-des-tortionnaires-de-la-dictature/
Argentine
La meilleure défense est-elle vraiment l’attaque?
La polémique suscitée par la publication de son édito, intitulé «No mas venganza» ( «En finir avec la vengeance») a obligé le quotidien La Nacion à expliquer sa position. L’article souligne que celle-ci a déchaîné de nombreux vents contraires. Mais le mea culpa prend de curieux accents sur sa fin. Ainsi, le journal évoque bien «une répression militaire», et assure «condamner le terrorisme d’État», mais met en regard ce dernier avec les actions de «groupes terroristes en activité dans les années soixante-dix». Le quotidien s’émeut à nouveau du sort de prisonniers qui «sont les seuls à être maintenus dans des cellules communes dépassé l’âge de soixante-dix ans». Cette apologie ne risque pas de satisfaire tout le monde.
http://www.lanacion.com.ar/1848645-mas-repercusiones-por-un-editorial-publicado-en-la-nacion
États-Unis
Wilson, nous avons un problème
Si vous avez étudié le Première guerre mondiale en Europe vous avez sûrement vu en Woodrow Wilson, le vingt-huitième président des États-Unis, l’allié, soucieux de rembourser la «dette» contractée envers La Fayette, l’idéaliste rompant avec l’isolationnisme américain pour aider la France à triompher de l’Allemagne et fondant la Société des Nations pour construire la paix. Idéaliste malheureux car il n’a finalement pas réussi à y intégrer son propre pays. Mais la Black Justice League, association d’étudiants afro-américain, le voit d’un autre œil: Wilson était aussi un raciste, partisan de la ségrégation et admirateur du Ku Klux Klan et du cinéaste Griffith. Ces étudiants militent pour qu’un institut portant son nom lié à l’université de Princeton qu’il dirigea soit débaptisé. Un activisme qui a le mérite de mettre en lumière les vices d’un personnage de premier plan mais qui suscite aussi le doute parfois.
https://www.letemps.ch/monde/2015/11/25/etudiants-princeton-revisitent-passe-raciste-woodrow-wilson
Israël
A l’intérieur de la résidence israélienne des JO de Munich
Les veuves de deux membres de l’équipe olympique israélienne tués en 1972 à Munich lors de la prise d’otages du commando palestinien, racontent publiquement les détails sur la fin de leurs époux. Andre Spitzer était entraîneur des escrimeurs et Yossef Romano, un champion d’haltérophilie. Les deux hommes, comme leurs compagnons d’infortune, ont été violemment malmenés pendant les quelques heures de la présence du groupe «Septembre noir» dans leur résidence. Yossef Romano a été la victime des pires excès de la part des terroristes. Cherchant à s’opposer à l’entrée des assaillants, il a d’abord reçu des balles de la part de ceux-ci et laissé pour mort. Par la suite, les tortionnaires l’ont castré sous les yeux de leurs captifs. Ces éléments jettent un nouvel éclairage sur cette affaire vieille de plus de quarante ans. Aux prochaines olympiades, une célébration devrait célébrer la mémoires des morts des JO de Munich.
http://www.nytimes.com/2015/12/02/sports/long-hidden-details-reveal-cruelty-of-1972-munich-attackers.html?_r=0
Norvège
Pour la Russie, un feuilleton norvégien a oublié trop vite l’Armée rouge
Certains pays sont plus discrets que d’autres sur la scène internationale. C’est le cas de la Norvège. Pourtant la série Occupied, diffusée en France par Arte, l’a mise au centre d’une polémique. Le feuilleton, pensé par Jo Nesbo, pose une Norvège envahie par la Russie pour contraindre les autorités a reprendre l’exploitation de leurs hydrocarbures, suspendue dans le cadre d’une politique écologiste. Une partie des Norvégiens se mettent alors à collaborer. C’est le passé des scandinaves et leur inertie politique actuelle que les scénaristes disent avoir voulu remuer. Mais l’ambassadeur de Russie à Oslo a tout de même estimé que son pays était insulté par cette production, oublieuse selon lui de l’aide apportée par la Russie dans la libération du pays à la fin de la guerre: « Il est désolant q’en ce 70e anniversaire de la fin de la Seconde Guerre mondiale, des scénaristes agissant comme s’ils avaient oublié les efforts héroïques de l’armée soviétique dans la libération de la Norvège, intimident les téléspectateurs norvégiens avec une menace qui n’existe pas. »
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