Martin Mourre ©

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Cet article entend revenir sur la, ou plutôt les, figure(s) du tirailleur africain, puis de l’ancien combattant, dans l’espace public[1] sénégalais depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale jusqu’à aujourd’hui. Les trois figures qui sont ici esquissées, celle de la victime des injustices du colonialisme, parfois pensé comme un martyr africain, celle du mercenaire et celle du héros, se sont durablement installées dans les imaginaires sénégalais à partir de l’indépendance du pays en 1960, alors même que disparaissaient, de facto, les tirailleurs. Si l’histoire des tirailleurs sénégalais – nom générique désignant les soldats recrutés dans toute l’Afrique subsaharienne – débute en 1857, le choix de notre chronologie se justifie à la fois par la rupture qu’a constitué la Seconde Guerre mondiale, et notamment le rôle joué par les troupes africaines lors de différents séquences historiques entre 1939 et 1945 et, d’autre part, par la formation d’un champ politique sénégalais de plus en plus autonome des partis métropolitains. Un épisode a joué un rôle crucial dans la mise en place de ces représentations : la répression de Thiaroye. Le 1er décembre 1944 se déroule au camp militaire de Thiaroye, à proximité de Dakar, le massacre de plusieurs dizaines de tirailleurs – le chiffre reste flou –, tués par leurs propres officiers français pour avoir réclamé la solde qui leur revenait[2]. Ce drame a marqué une rupture au sein de ce corps militaire mais également pour le colonialisme français en Afrique de l’Ouest, particulièrement au Sénégal. Il est en effet régulièrement convoqué dans les années 1950 par les militants de l’indépendance. Pourtant, ces soldats africains restaient engagés dans l’armée française et se battaient contre d’autres peuples colonisés, et ce jusqu’à la fin de la guerre d’Algérie en 1962. Les trois figures qui sont ici évoquées sont donc bien sûr tributaires des événements historiques qui les constituent et elles doivent être comprises comme des idéaux-types. Il s’agit alors d’analyser l’usage qui est fait « du » tirailleur par les militants politiques, principalement ceux de la gauche marxiste, à travers toute une série d’œuvres d’art – films, romans chansons – comme plus directement par l’État. Ainsi, alors que les deux premiers présidents sénégalais – Léopold Sédar Senghor et Abdou Diouf – avaient peu investi cette histoire, quoi que suivant des modalités distinctes, Abdoulaye Wade, arrivé au pouvoir en 2000, démis en 2012, a eu lui recours abondamment à la figure du tirailleur, construisant par là une « mémoire officielle ». L’histoire de ces représentations permet ainsi d’aborder de manière originale les dynamiques socio-politiques du pays depuis plus de soixante-dix ans.

L’hypothèse proposée est cependant que les imaginaires qui se manifestent dans l’espace public à partir de 1945 doivent se comprendre en fonction d’un temps long. Entre 1857 et 1962, les autorités coloniales françaises en Afrique subsaharienne ont recruté une force militaire qui prend le nom générique de tirailleurs sénégalais à partir du début du XXe siècle, bien que les recrutements se soient effectués en suivant les avancés de la conquête coloniale, principalement au Mali (ex-Soudan français) et au Burkina-Faso (ex-Haute-Volta). Ces soldats furent de touts les conflits français au XXe siècle, en métropole pendant les deux guerres mondiales mais également dans l’Empire, notamment après 1945 en Indochine et en Algérie. De plus, l’histoire des premiers recrutements de soldats africains s’inscrit en premier lieu dans une époque correspondant à celle de la traite atlantique au XVIIe siècle[3], son intensification au XVIIIe, son abolition officielle en 1848 et la suppression progressive des pratiques esclavagistes en Afrique occidentale française à partir de la fin du XIXe[4]. L’image du tirailleur se construit avec plus de force et de netteté – malgré de profondes ambiguïtés – à l’orée de la Première Guerre mondiale où les autorités françaises cherchèrent à recruter des soldats parmi ceux censés appartenir à des « races guerrières » [5]. Les chiffres globaux de la participation africaine, s’ils restent à l’état d’estimation, font état de quelques 163 000 recrues durant la période de la Grande Guerre auxquelles il faut rajouter les 31 000 soldats mobilisés avant 1914[6]. À ces dynamiques accompagnant les différentes phases du recrutement de soldats africains, s’ajouta un ensemble de discours et de portraits qui contribuèrent à dessiner des représentations dominantes du tirailleur. La fabrique de ces représentations se réalisa d’abord dans l’arène politique, avant de gagner l’opinion publique métropolitaine, particulièrement après la fin de la guerre. Le retour des tirailleurs sur le continent et l’apparition d’un nouveau groupe social, les anciens combattants, modifièrent également d’une manière inédite les structures de pouvoir au sein des sociétés d’origine. Pendant l’entre-deux-guerres, un peu partout en Afrique de l’Ouest, les associations d’anciens combattants prirent un poids de plus en plus important : la relation contractuelle qui s’établissait entre ces vétérans et l’administration coloniale était marquée par un « langage du droit et de la responsabilité mutuelle »[7]. Ainsi, en 1939, la conscription était devenue généralisée, et plus ou moins accepté en AOF[8].

Les trois parties de cet article reviennent chacune sur ces différentes figures de l’ancien combattant – le martyr, le mercenaire et le héros – dans l’espace public national au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Si ces figures se succèdent, et parfois cohabitent, l’analyse se centre sur différentes séquences de la vie politique sénégalaise. Dans une première partie, je me concentre sur la fin des années 1940. Les anciens combattants sont en effet mobilisés dans les combats pour l’obtention de nouveaux droits sociaux pour les populations africaines. C’est une figure du « héros-victime » qui s’exprime lorsque l’on évoque le retour du combattant : héros sur le champ de bataille, le tirailleur est aussi victime des discriminations qu’il a pu subir, par les troupes allemandes comme par ses propres officiers français. Lorsque les militants rappellent le drame de Thiaroye, c’est même l’image du « martyr » qui est suggérée. Je m’intéresse ensuite aux modalités par lesquelles cette figure est, en partie, évincée par la figure du « mercenaire », d’abord dans les années 1950, alors que les tirailleurs sont effectivement engagés en Indochine puis en Algérie et que les luttes internationalistes s’intensifient, puis sous les mandatures du président Senghor. Dans cette séquence, entre 1960 et 1980, c’est par analogie que les tirailleurs sont désignés comme des mercenaires, puis des traitres. En effet, l’enjeux de la mobilisation de la mémoire de Thiaroye ou de l’histoire des tirailleurs désigne moins ce groupe social que la francophilie de Léopold Sédar Senghor, accusé alors de « collaborer » avec l’ancienne puissance coloniale et, par conséquent, de trahir le peuple sénégalais. Cependant, alors que Senghor quitte le pouvoir en 1980, cette image semble disparaître progressivement de l’espace public. À partir des années 1980, à différents niveaux, le président Diouf met en place une véritable nationalisation du passé. Cette transformation de la figure de l’ancien combattant est l’objet de la troisième partie. On assiste à un véritable retour du tirailleur comme « héros-victime », symbolisé notamment par un film qui sort sur les écrans en 1988, Camp de Thiaroye, d’Ousamne Sembène et Thierno Faty Sow. Cette séquence mémorielle se renforce avec l’arrivé d’Abdoulaye Wade en 2000 et la mise en place d’une « Journée du tirailleur » en 2004. Je présente donc ces processus tout en essayant de réfléchir aux liens entre une mémoire dominante et une mémoire officielle et aux manières dont les rapports au passé, au Sénégal, furent élaborés, d’abord pendant les quinze années qui précèdent l’indépendance puis sous les mandatures des trois premiers présidents du pays.

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I. Le martyr

S’intéresser à la constitution de la figure du martyr après 1945 impose de retracer brièvement la participation des tirailleurs à la Seconde Guerre mondiale. Cette participation traduit les aléas plus larges de cette période. Ainsi, plus de 100 000 tirailleurs étaient engagés entre le déclenchement des hostilités en septembre 1939 et la débâcle de juin 1940[9]. Rapidement, tant la diversité des situations était importante, il ne fut pourtant plus possible de parler de ces hommes comme d’une entité identifiable. Nancy Lawler note :

« En 1941 (…), certains languissaient dans les Stalags de l’Allemagne et de la France occupée. D’autres, en Afrique du Nord, attendaient une nouvelle affectation ou leur rapatriement. D’autres défendaient les intérêts impériaux français dans les territoires sous mandat du Levant. Quelques-uns avaient échoué dans les Forces française libres ou dans les Forces britanniques. Et enfin, il y avait ceux, des nouvelles recrues pour la plupart, qui végétaient entre deux eaux en Afrique occidentale, ne sachant ni pourquoi ils se retrouvaient en uniforme, ni ce que l’avenir leur réservait »[10].

 

La participation des tirailleurs au débarquement de Provence à l’été 1944 fut importante[11]. Mais, à l’automne, le chef de la France libre, de Gaulle, pour diverses raisons, notamment l’intégration des Forces Françaises de l’Intérieur (FFI) à majorité communiste au sein des Forces Françaises Libres (FFL), décidait leur éviction de l’armée. Cet épisode fut connu sous le nom de « blanchiment » de l’armée. Ces combattants se trouvaient ainsi privés du prestige de la victoire. À la même période, commençait donc le rapatriement de ces troupes sur le continent africain, auxquels s’ajoutaient les prisonniers de guerre, détenus en Europe depuis la débâcle de 1940. Une partie de ces protagonistes fut les victimes d’un des drames les plus sanglants de l’histoire de l’Afrique de l’Ouest coloniale : le massacre de Thiaroye. Le 1er décembre 1944, à l’aube, un contingent de ces hommes, en attente de démobilisation et regroupés au camp militaire de Thiaroye, en banlieue de Dakar, est massacré par les autorités militaires françaises. Ces hommes réclamaient simplement leur solde de guerre. Cet événement va marquer une profonde rupture entre les soldats des troupes coloniales, les autorités de l’Empire français, mais aussi les populations africaines au sortir de la Seconde Guerre mondiale, en particulier les populations urbaines. Durant les années 1950, la répression de Thiaroye va s’inscrire profondément dans les imaginaires au Sénégal.

La figure du tirailleur qui s’esquisse à la sortie du second conflit mondial implique cependant de s’intéresser également aux reconfigurations du champ politique de l’immédiat après guerre. Cette période correspond à une recomposition des institutions et des forces politiques en métropole mais également au Sénégal. Ainsi, en 1948, Senghor, précédemment affilié à la SFIO de Lamine Guèye, créait son propre parti le Bloc démocratique sénégalais (BDS) ; cela modifia profondément la donne politique. Lorsque Senghor démissionne de la SFIO, le numéro de Condition Humaine – le journal qu’il a lancé quelques mois plus tôt – qui annonce son retrait titre à la « une » sur les renoncements du parti : « La SFIO a voté contre le collège unique. La SFIO a voté contre l’égalité des pensions des Anciens combattants. La SFIO a voté contre la représentation proportionnelle. La SFIO est contre la démocratie en Afrique »[12]. Il s’agissait pour le nouveau parti de courtiser les électeurs que sont les anciens combattants, beaucoup d’anciens militaires étant des chefs de familles dont les voix constituaient un gain important. Mais en liant la situation de leur pension à des enjeux civiques ou universaux – le collège unique, la représentation proportionnelle et la démocratie – ils semblaient déjà constituer un poids symbolique qui dépassait leur seul statut d’électeur. La position de Senghor, ancien prisonnier de guerre[13], n’en est pas moins complexe vis-à-vis des perceptions qu’il a de l’événement du premier décembre 1944.

En 1948, paraissait également le recueil Hostie noires, entièrement dédié aux tirailleurs, « un ciboire de souffrances offert au seigneur Jésus » selon les mots même de Senghor[14]. L’ensemble des poèmes de ce recueil fut écrit entre 1936 et 1945, soit les années de montée du fascisme en Europe puis celles de la Seconde Guerre mondiale. L’ensemble des dédicataires permet ainsi de suivre des amitiés qui, par ailleurs, suivaient les temporalités de la guerre : le fascisme mussolinien, la déclaration de guerre, la prise de position de Felix Éboué, les camps de prisonniers, l’hommage aux libérateurs américains et aux populations françaises, enfin, Thiaroye. Dans le poème Tyaroye[15], l’ancien prisonnier évoque son « angoisse, son innocence, sa souffrance » et ses seuls interlocuteurs sont les génies, réalités métaphysiques, interlocuteurs qui ne peuvent répondre. Le premier vers de la deuxième strophe s’achève par « l’innocence de ses draps tachés de sang ». Mais de quelle tache s’agit-il ? De la forfaiture commise par le colon, ou des horreurs de la guerre qui ont perverti le royaume d’enfance du poète ? Le vers suivant prolonge cette ambivalence entre l’enfance – « baigne », même s’il s’agit d’angoisse, pouvant évoquer le baptême – et la vie d’adulte : « la voix » enrouée. Les deux derniers vers de cette strophe semblent changer le registre du discours. Néanmoins, ce passage évoque, dans un décor africain, l’impossibilité pour le poète de comprendre le crime du colon. De plus, si le poème de Senghor est souvent cité aujourd’hui lorsque l’on évoque les évènements de Thiaroye, il semble qu’il n’ait eu à l’époque qu’un impact relativement faible dans l’opinion publique sénégalaise, les différents titres de presse n’en faisant pas mention. Le recueil Hosties noires a-t-il d’ailleurs été disponible à Dakar ? Rien n’est moins sûr. De manière significative, alors que la même année paraissaient Hosties noires et l’Anthologie de la nouvelle poésie nègre et malgache, cette dernière fait l’objet pendant de plusieurs semaines, d’octobre à décembre 1948, d’articles dans Condition humaine. La préface de Sartre, Orphée noire y est publiée intégralement. Au contraire, le journal n’évoque aucun des poèmes d’Hosties noires[16].

Autre milieu social et politique, autre perception de l’événement. En 1949, paraît dans le journal Réveil, le poème Aube Africaine du Guinéen Fodéba Keita dont le thème est la tragédie de Thiaroye. Le titre même, Aube africaine, indique l’espoir d’un jour meilleur et ce mouvement semble montrer que le sens du combat à mener, à savoir celui de l’émancipation coloniale – dans une téléologie toute communiste d’ailleurs –, est bien celui de l’histoire. Si le titre Aube africaine renvoie au dernier vers de Senghor, contrairement à l’idéologie chrétienne du poète sénégalais devant déboucher sur le pardon, le massacre de Thiaroye est, pour Fodéba Keïta, un des symboles de l’opprobre coloniale. Il est une étape sur le chemin des peuples africains pour la reconquête de leur liberté. Le poème de Fodéba sur papier faisait suite à sa parution sur disques. En 1949, ces disques furent pourtant interdits par le gouverneur général. Dans l’article qui annonce cette interdiction, on ne signale pas qu’Aube africaine fait référence à Thiaroye : « ‘Aube africaine’, c’est la tragédie africaine, l’un des multiples épisodes de cette douloureuse vie qu’est la domination capitaliste, le colonialisme »[17]. La répression du 1er décembre est devenu une métaphore : « Quel Africain qui a écouté ‘Minuit’ et ‘Aube africaine’ n’a pas senti se répercuter au tréfonds de lui-même ces notes et cette musique, la fierté et le courage, l’espérance et l’ultime dévouement, qui sont les caractères dominants dans ces tragédies »[18]. L’écoute du disque fait en effet ressortir une émotion qui est absente du simple support papier[19]. Les disques en version 78 tours sont divisés en quatre parties, chacune des séquences durent environ trois minutes. L’alternance de guitare, de Kora, de tam-tam et de balafons, ajoutée aux beaux chants mandingues crée, peut-être plus que la simple lecture, des sentiments de tristesse, de colère, voire de révolte chez l’auditeur.

Au plan social, un des faits majeurs de l’immédiat après-guerre fut l’apparition d’un mouvement ouvrier signifiant un changement de référents politiques. La lutte la plus fameuse fut celle de la grande grève des cheminots du « Dakar-Niger » qui dura cinq mois entre octobre 1947 et février 1948 ; le slogan des grévistes – « À travail égal ; salaire égal » – rejoignait celui des anciens combattants quant à l’égalité des pensions qui avait pris corps après la Première Guerre mondiale. Myron Echenberg note qu’avant les années 1950, le RDA[20], comme en partie la SFIO et le BDS, plaçait « les questions relatives aux anciens combattants en tête de son programme »[21]. Plusieurs projets de lois furent ainsi déposés par des députés du RDA, afin de favoriser l’égalité des droits et des pensions des anciens combattants africains bien que ces différents projets furent à chaque fois rejetés. Si les députés africains pouvaient s’entendre sur ce dossier, ceux du RDA se distinguaient néanmoins par « leur antimilitarisme »[22]. Mais qu’en était-il des choix concrets des anciens combattants ? Il n’est pas aisé de retracer une adhésion collective des tirailleurs démobilisés qui s’opère dans le Sénégal après 1945 ; il ne semble d’ailleurs pas qu’il y ait eu de choix unanimes vis-à-vis de telles ou telles organisations. L’analyse de l’organe de presse principal des anciens combattants, La Voix du combattant et victimes des guerres de l’AOF, qui paraît à partir de 1948 et jusqu’en 1959, offre peu d’informations sur les opinions politiques des anciens combattants. Le journal insistait surtout sur la nécessité d’une égalité de pensions entre anciens soldats africains et métropolitains tout en affirmant son attachement à la France. On trouve cependant un article intitulé « HOMMAGES émus aux MARTYRS de Tiaroye sur mer »[23]. L’auteur inscrivait le massacre dans des combats contemporains concernant les anciens combattants : « Il faut que réparations soient faites et que les veuves et orphelins de ces martyrs soient secourus par la Nation »[24]. L’auteur inverse ici la responsabilité de la faute en demandant à l’État de prendre en charge ces aspects financiers. C’est aussi la première fois que les tirailleurs sont qualifiés de martyrs, ce qui imbrique alors des demandes matérielles de réparations et une catégorie normative possédant une forte charge émotionnelle et morale.

Pourtant, comme on l’a vu, les tirailleurs étaient engagés dès 1946 dans la guerre d’Indochine et, de 1954 à 1962, étaient présents en Algérie où il se battaient aux côtés de la puissance coloniale française[25]. Au Sénégal, la narration politique qui s’esquisse dans les années 1950 conduisit progressivement à une transformation de l’image du tirailleur, celui-ci devenant, dans le discours de la gauche sénégalaise, un mercenaire.

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II. Le mercenaire

La fin des années 1940 et la décennie suivante furent l’occasion de luttes politiques en Afrique de l’Ouest, ces luttes s’inscrivaient dans un contexte international où débute la Guerre froide et elles se traduisaient par la montée de mouvements d’orientation communiste dans différents contextes. En Côte-d’Ivoire, entre décembre 1949 et février 1950, plusieurs manifestations furent brutalement réprimées provoquant la mort de plusieurs militants. Yves Benot écrit : « Les administrateurs coloniaux vont faire intervenir l’armée, successivement à Bouaflé le 21 janvier 1950, à Dimbokro le 30 janvier, à Séguéla le 2 février : respectivement, 3, 14 et 3 morts »[26]. Ces répressions furent d’ailleurs le fait des tirailleurs sénégalais. Si ces événements restent encore aujourd’hui assez méconnus, ils font à l’époque l’objet de l’attention des militants marxistes sénégalais. Ainsi, la radicalisation de la lutte anticoloniale correspondit à une mobilisation accrue de la mémoire de Thiaroye dans un moment où se redéfinissaient les luttes sociales et politiques et se formulaient de nouvelles aspirations. Dans ce contexte, les tirailleurs, bras armé de l’impérialisme français – notamment en Indochine –, et les anciens combattants, qui venaient d’obtenir le vote d’une loi au Parlement visant à améliorer leur traitement, pouvaient difficilement s’intégrer à cette narration[27]

Pourtant, quelques années plus tard, la mémoire de Thiaroye va être mobilisée assez largement lors d’un des événements politiques les plus importants précédant l’indépendance du pays : la visite du général de Gaulle en septembre 1958 à Dakar. Alors que la guerre d’Algérie était engagée depuis plusieurs années, le chef de la France libre, revenu au pouvoir en mai à l’occasion du « putsch d’Alger », décidait d’un référendum constitutionnel pour le passage à la Ve République. Du point des vues des colonies – appelées Territoires d’Outre-mer depuis 1946 –, le choix consistait en l’indépendance immédiate ou à une adhésion à la « Communauté française », c’est-à-dire une sorte de fédération regroupant la métropole et ses anciennes colonies[28]. Le journal La Lutte, l’organe du Parti Africain de l’Indépendance[29], la formation la plus radicale de ces années-là, accorde deux « unes » à la visite du général de Gaulle. Le numéro de septembre 1958 note ainsi en pleine page : « Retour d’un pèlerinage à Thiaroye. Le déploiement de l’ordre contre les masses dakaroises. THIAROYE MARTYR marqué du nom de DE GAULLE »[30]. L’enjeu était moins l’inscription du souvenir que la mobilisation pour l’indépendance. L’article qui suit s’intitulait ainsi : « Pour un NON catégorique au Référendum-Esclavage de DE GAULLE ». En novembre, La Lutte titrait encore : « Et une hécatombe annonçait le libéralisme de de Gaulle »[31]. Une photo montrait des jeunes se recueillant devant les tombes du cimetière de Thiaroye et prenait pour légende : « Le colonialisme n’est pas mort ; les soldats africains, lâchement assassinés à Thiaroye eux sont bien morts et la ‘COMMUNAUTÉ’ SALIT LEUR SOUVENIR… »[32]. L’imaginaire anticoloniale de cette séquence intégrait alors pleinement le souvenir de Thiaroye. Néanmoins, si l’on mentionnait les « soldats africains », les militants était néanmoins pleinement conscients du rôle trouble joué par ceux-ci, de manière contemporaine comme d’un point de vue historique.

Quelques mois plus tôt, un des leaders de la gauche sénégalaise, Abdoulaye Ly, fondateur du PRA-Sénégal[33] qui avait appelé à voter « Non » au référendum, et par ailleurs premier sénégalais à soutenir une thèse d’histoire[34], publiait un livre Mercenaires noirs. Il y dénonce le « type le plus accompli et le plus célèbre du barbare embrigadé [qui] est sans conteste le tirailleur sénégalais, instrument glorieux de la violence conquérante et répressive qui a nom : ‘ La paix et l’ordre’ comme chacun sait »[35]. Pour Ly, il s’agissait de faire une analyse marxiste de la situation coloniale. Le fait notable est alors que la mémoire de Thiaroye qui se construit n’intégrait pas ceux qui en étaient le plus directement les porteurs : les anciens combattants. Les années 1958 à 1960 sont celles de la Communauté française puis de l’indépendance ; si ces dates signifient une profondeur rupture dans l’histoire politique du Sénégal, on peut aussi les intégrer dans une analyse des imaginaires des luttes politiques indiquant alors certaines permanences. Ainsi, trois ans après l’indépendance, le 1er décembre 1963, les élections, à la fois législatives et présidentielles, étaient marquées par de nombreuses manifestations contre ce qui était jugé être des fraudes de masses organisées par le pouvoir en place[36]. Ces manifestations furent réprimées dans le sang par la police et l’armée du nouvel État sénégalais et « il y eut des dizaines de morts et des centaines de blessés selon la presse de l’opposition de l’époque (…). La rumeur publique qualifia ces événements d’élections aux 500 cadavres, certains enterrés nuitamment dans des fosses communes »[37]. La date du 1er décembre est éminemment symbolique et le PAI, parti qui était déjà interdit et militait dans la clandestinité, fera une analogie avec les morts de Thiaroye :

« Le 1er décembre 1963, restera une misérable duperie. Les policiers, gendarmes et militaires ayant accepté de se faire les instruments aveugles de la sanglante répression de ce jour, ont taché leur uniforme de sang. Comme Senghor, ils se sont désignés à la vindicte de leur peuple. En 1944, comme l’on sait, de Gaulle faisait massacrer des soldats africains de la guerre impérialiste 39-45. Leurs tombeaux constituent des témoignages accablants contre le colonialisme français. Le 1er décembre 1963, Senghor a réitéré le coup en ordonnant un massacre aussi abominable que celui de Thiaroye. À Thiaroye, de Gaulle avait utilisé des Africains contre des Africains. À Dakar, Senghor a lancé des Sénégalais armés contre des Sénégalais aux mains nues »[38].

Entre 1958 et 1963, les responsables de la tuerie de Thiaroye furent donc nommés par la gauche sénégalaise comme étant d’abord le chef de la France libre puis le premier président de la République du Sénégal. Signalons aussi une autre crise majeure du nouvel État, celle du « mai 1968 sénégalais ». Pendant plusieurs semaines, ce qu’il reste des organisations syndicales, les organisations estudiantines et la pression populaire manquèrent de faire vaciller le régime. L’habileté politique de Senghor parviendra à canaliser la colère[39] mais le langage de la contestation justifiait alors l’utilisation de certains événements de la période coloniale : « En 1968, (…) des tracts portaient la mention ’Souvenez-vous de Thiaroye !’ »[40]. À partir des années 1970, la mémoire de la répression de Thiaroye devint un des éléments de contestation du régime de Senghor, notamment de la part des militants communistes. L’espace politique, et par analogie l’interprétation de l’événement Thiaroye, semblait défini par plusieurs pôles : l’un, à l’extrême, était la figure de Senghor, tandis que d’autres étaient constitués de manière hétéroclite par la gauche sénégalaise.

Progressivement, de la part de ces militants, moins que la figure du mercenaire, c’est celle du traitre qui émergea, celle-ci était associée à Senghor, accusé de « collaborer » avec la France, l’ancienne puissance coloniale. Cette figure s’exprima dans plusieurs œuvres culturels en l’associant, parfois, aux tirailleurs. Ainsi, les années 1960, puis 1970, furent marquées au Sénégal par une imbrication du champ culturel et du champ politique, due notamment à la personnalité et la volonté politique du président-poète. L’analyse de plusieurs œuvres artistiques permet ainsi de comprendre l’évolution de la figure du tirailleur dans l’espace national[41]. S’il existe durant cette période plusieurs œuvres, et sur différents supports, qui prennent pour objet la tragédie de Thiaroye, on peut suivre l’évolution de ce profil à travers les différentes films de celui qui est considéré comme le père du cinéma africain : Ousmane Sembène[42]. Les tirailleurs sont des personnages centraux de deux de ses films, Émitaï et Camp de Thiaroye, sortis respectivement en 1971 et 1988. Un ancien combattant est aussi la personnalité principale de son premier film, Le Mandat, sorti en 1963, tandis que son dernier film, Mooladé, sorti en 2003, consacré à la question de l’excision, incluait un second rôle important, nommé « Mercenaire ». Sembène est d’ailleurs un ancien tirailleur. L’histoire qu’il narre dans Le Mandat est celle un ancien combattant qui va de désillusion en désillusion, à la recherche d’un mandat bancaire venant de France et qu’il n’obtiendra pas. Le film se déroule à Dakar au début des années 1960 et annonce le traitement infligé aux anciens combattants dans le Sénégal indépendant. Comme note Sada Niang, « c’est sous la caméra de Sembène que le personnage du tirailleur s’annoncera puis se développera comme symbole du commun des mortels africain, signe d’une France récalcitrante à reconnaître la contribution de ces soldats de fortune ou encore comme image d’une histoire populaire relégué aux oubliettes et emblème de la condition postcoloniale »[43].

Deux films de Sembène sont centrés sur l’histoire coloniale au XXe siècle. Dans Émitaï, l’histoire concerne un village casamançais, celui d’Effoc victime d’une terrible répression de la part du pouvoir colonial pendant la guerre. Cette répression s’accomplit par le bras armé de l’impérialisme français en Afrique, les tirailleurs sénégalais. Mais, dans Émitaï, il s’agit bien d’une dénonciation de la guerre, de ses violences, des bassesses humaines qu’elle met en lumière. L’image du tirailleur est alors composée de temporalités distinctes mais c’est peut-être moins cette figure qui intéresse Sembene que ce qu’elle permet d’exprimer. Pour le réalisateur, la situation des tirailleurs semble symboliser la violence coloniale, « elle ne rehausse ni le courage de ces hommes, ni leur dévouement, encore moins leur patriotisme envers une puissance lointaine. Car ils ne reçoivent de celles-ci que la barbarie des discours creux de la reconnaissance »[44]. Dans Émitaï – nom d’une divinité diola, groupe majoritaire en Casamance – le propos du film est de rendre hommage aux résistances populaires, spécialement les résistances féminines. Presque vingt ans plus tard, en 1988, le film Camp de Thiaroye – coréalisé avec Thierno Faty Sow – sortait sur les écrans. Le film est consacré entièrement aux événements du premier décembre 1944. Les tirailleurs sont désignés comme des héros de la Seconde Guerre mondiale, victimes des balles du colonialisme français. L’analyse de la presse permet de comprendre l’importance qu’il eut dans la société sénégalaise. Le quotidien Le Soleil titrait à la une : « Grande première de ‘Camp de Thiaroye’. Flash sur l’oubli »[45]. Abdou Diouf, le président sénégalais, fut présent à la première projection, tandis que l’hymne national y était même joué avant la séance. La presse fut unanime à reconnaître la qualité du film tout comme la nécessité d’évoquer les événements de Thiaroye. Un commentaire d’un journaliste semble illustratif d’une perception commune aux tirailleurs à cette époque ; après avoir souligné que les personnages du film n’étaient « nullement typés »[46], le journaliste avançait pourtant : « Il ne manque peut-être que le Noir renégat, celui qui se range prestement du côté du pouvoir colonial dans les moments d’épreuves »[47]. Cette allusion révèle une vision dominante, tout du moins admise à la veille des années 1990, du tirailleur comme outil de collaboration. Néanmoins, cette figure du « mercenaire » va progressivement s’éclipser de l’espace publique national. Lors des commémorations de la fête nationale, dans les années 1980 et 1990, on notait ainsi une présence de plus en plus accrue des anciens combattants auprès de l’armée moderne. Ce processus va d’ailleurs de pair avec un usage croissant du passé sous Abdou Diouf – changement de noms de rue ou de place, parrainage des écoles par des figures locales ou nationales, véritable année Lat-Dior[48] en 1986, lors du centenaire de la mort de ce dernier.

À partir des années 1990, puis 2000, une autre narration prendra place dans l’espace public, l’ancien combattant devenant peu à peu un héros, tout en gardant la composante du martyr mais en éclipsant celle du mercenaire.

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III. Le héros

En avril 2000 le Sénégal élisait Abdoulaye Wade à la tête du pays, réalisant ainsi la première transition démocratique après 40 ans de régime socialiste. C’est véritablement sous ses deux mandats présidentiels que l’image de l’ancien combattant va se modifier, notamment après 2004 et la mise en place d’une « Journée du tirailleur » annuel commémorant le rôle de ces soldats. Ainsi, la présence exponentielle de cette figure, et de la tragédie de Thiaroye, dans l’espace public oblige à considérer la thèse d’une mémoire manipulée par la puissance publique, même si cette seule proposition ne suffit pas à rendre compte de l’ensemble de ce phénomène. Né en 1926[49], Abdoulaye Wade est contemporain d’Ousmane Sembène, né en 1923. Il fut un opposant historique de Léopold Sédar Senghor. Un facteur d’ordre personnel peut expliquer la mise en place de ces politiques mémorielles autour des tirailleurs ; le père de Wade fut en effet un tirailleur mobilisé entre 1914 et 1918. Le président Wade raconte que ce dernier fut omis des listes des anciens combattants et n’eut pas la possibilité d’obtenir sa pension d’ancien combattant[50]. Cette dimension familiale est vraisemblablement à prendre en compte dans la volonté du président sénégalais de réhabiliter ces hommes, même s’il est difficile de mesurer à quel point cet élément fut déterminant par rapports à d’autres.

L’organisation de la première journée de commémoration du tirailleur sénégalais en août 2004 fut abondamment couverte par la presse. Elle faisait suite à la commémoration en France du soixantième anniversaire de la fin de la Seconde Guerre mondiale et notamment du débarquement de Provence[51]. Cette célébration suscita une floraison d’articles et de prises de paroles, notamment de diverses personnalités gouvernementales. On dénombra plus d’une trentaine d’articles dans Le Soleil, le grand quotidien sénégalais, entre l’édition du 14-15 août 2004 et celle du 31 août. Cette profusion fournit un abondant matériau pour le chercheur et permet de cerner la dimension de cet événement dans la société sénégalaise. Le communiqué de l’APS[52] du 23 août 2004 était en lui même explicite : « La célébration ce lundi 23 août de la Journée du Tirailleur fait la une de la quasi-totalité des quotidiens dakarois parvenus à la rédaction de l’APS »[53]. Le quotidien Le Populaire titrait ainsi : « Enfin l’hommage aux tirailleurs »[54]. Le communiqué de l’APS poursuivait : « L’Actuel se contente de titrer : ‘les tirailleurs célébrés’ et publie une interview d’un ancien combattant qui explique ‘comment nous avons libéré la France’ »[55]. Présenter les tirailleurs comme des héros qui ont libéré la France permet de faire écho, dans les années 2000, aux questions migratoires liant le Sénégal à la France et ainsi de souligner l’ingratitude de l’ancienne métropole. Par ce processus, c’est le langage de la « dette du sang »[56] qui était réactivé. De plus, en magnifiant la valeur courage des soldats, ces discours renvoyaient à un imaginaire qui fait sens dans le Sénégal contemporain.

Sans retracer l’ensemble du processus commémoratif, notons que les commémorations sont l’occasion de rappeler abondamment l’histoire des tirailleurs, et ce depuis le XIXe siècle. Dans ce cadre, le président Wade occupe une place centrale. Il se présente sous les traits de celui qui révèle une histoire oubliée, voire celui qui restaure une histoire occultée ou bafouée. Cette mise en scène de l’histoire comporte un décor qui se fixe autour de deux acteurs principaux : la figure objective du président Wade et celle, plus abstraite, du soldat africain. Ce deuxième personnage est le soldat des deux guerres mondiales – faisant l’impasse sur les guerres de conquêtes coloniales et celles de défense de l’Empire français. Ce qui frappe, au premier abord, c’est l’aspect volontariste de l’usage de ce passé. De nombreuses manifestations furent organisées pour mettre en place une histoire devant marquer les mémoires. Ces démonstrations de la mémoire prennent la forme de discours, de spectacles, de (ré)inaugurations de monuments, de cérémonies ou de dispositions législatives. Ainsi, avec l’instauration de la « Journée du tirailleur », l’intervention du législateur renforçait cette prescription au souvenir. Cette intervention fut multiple. L’événement, tel qu’il était conçu en 2004, devant s’inscrire dans la durée. En septembre 2004, le gouvernement édicta le décret n° 2004-1220 comportant deux articles. Le premier proclamait : « Le Cimetière de Thiaroye, où sont enterrés les Tirailleurs sénégalais morts au cours de la répression coloniale du 1er décembre 1944, est déclaré Cimetière national ». En déclarant que cet emplacement est bien le lieu où reposent les tirailleurs, le législateur imposait là une vérité historique pourtant sujette en caution[57]. L’après-midi de cette Journée fut déclarée « chômée et payée »[58]. En souhaitant associer tous les salariés sénégalais à cette manifestation – et même si le salariat représente une part relativement faible des travailleurs sénégalais –, l’État cherche à réunir l’ensemble des actifs de la Nation à l’événement. Comme note Johann Michel, « les représentations mémorielles, lorsque celles-ci sont produites par les institutions étatiques, sont censées s’imposer à l’ensemble des membres de le société »[59].

Dans cette perspective, à travers les nombreux discours officiels et les titres de la presse, un deuxième versant mérite d’être pris en compte : la tentative de promotion d’une histoire officielle qui se manifeste à travers l’énonciation d’un déni historiographique. Une des constructions de ce statut « d’héros-victimes » que cette mémoire officielle leur prête, est celle d’avoir été oublié par les livres d’histoire. La tentative d’écrire une histoire glorieuse était explicite dans les différentes éditions de la Journée du tirailleur. Elle était même revendiquée. Dans un des articles paru dans Le Soleil en 2004, on apprenait qu’au cours de cette Journée, de larges débats entre historiens « considérés comme les ‘meilleurs’ »[60] devaient avoir lieu à lieu à la télévision et à la radio. L’article mentionnait les noms des professeurs Joseph Ki-Zerbo et Iba Der Thiam, « coordinateurs de l’équipe »[61]. Si le premier représente une des figures pionnières d’une écriture générale de l’Afrique dans les années 1970, le second est lui connu pour des travaux réalisé dix ans plus tard, notamment sur le syndicalisme au Sénégal[62]. Dans les années 2000, il semble avoir délaissé son rôle de chercheur pour une carrière politique aux cotés d’Abdoulaye Wade. Dans la trentaine d’articles parus dans Le Soleil en août 2004 relatifs aux tirailleurs sénégalais[63] n’apparaissait aucun historien du département d’histoire de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar – à l’exception d’Iba Der Thiam. Cette écriture, journalistique et officielle, permet de jeter un soupçon sur le travail des historiens. Face à ce qui était considéré comme un oubli délibéré, il s’agissait alors d’écrire une histoire emphatique comme le montre certains titres : « Pour la gloire et pour l’immortalité »[64] ; « Une si longue et fabuleuse histoire »[65] ; « Pour une réécriture de l’histoire »[66] ; « La réécriture de l’histoire commence… »[67] ; « Le rôle des Tirailleur revisité »[68] ; « Un devoir de mémoire et de vérité historique »[69]. Ces titres de la presse semblent jeter un discrédit sur les travaux historiques en sous-entendant qu’aucune, ou très peu, d’études sur les tirailleurs auraient été menées. Dans d’autres contextes ils auraient sûrement fait réagir les historiens qui auraient refusé cette double intrusion, de la presse et du politique[70]. Patrice Dramé remarque :

« Au-delà du tapage médiatique dont le point d’orgue fut l’organisation de quelques débats à la télévision nationale, la science historique ne semble pas être au cœur des priorités ni de l’État sénégalais encore moins de la majorité des populations en butte aux difficultés économiques et sociales »[71].

Ce répertoire des injustices constituait une forme de récit dominant. Il incluait la violence meurtrière ainsi que les mauvais traitements et les humiliations infligés aux soldats africains de l’Empire français. Citons parmi ces thèmes, celui de « la chair à canon » lors de la Première Guerre, celui des exactions de l’armée allemande durant la Seconde, enfin la cristallisation des pensions lors des indépendances. Dans ce qui est présenté comme un temps long de l’iniquité et de l’oppression, le débat semble s’articuler aujourd’hui autour d’un seul paradigme : la « réhabilitation » des anciens combattants. La presse présentant la figure d’Abdoulaye Wade comme l’homme à qui incombe cette tache, préalablement aux historiens :

« Pour que les ‘nouvelles générations se souviennent, qu’à l’heure des rendez-vous des batailles pour la liberté, l’Afrique était présente’, le président Wade leur a demandé [à une équipe d’historiens] d’envisager des programmes d’insertion de l’histoire des Tirailleurs sénégalais dans les manuels scolaires »[72].

Néanmoins, l’écriture d’une histoire officielle qui est ici convoquée par la plus haute autorité de l’État, semble participer d’un sensationnalisme qui contraint les historiens à écrire un roman national en fonction de ce que l’on juge être des besoins mémoriaux – ce qui ne présuppose en rien que les historiens acceptent cette injonction du politique. Les débats qui régissent la discipline historique passent au second plan. Dans ce cadre, où il s’agit d’« immortaliser le souvenir »[73], ce paradigme de l’oubli historiographique laisse peu de place aux chronologies successives et aux processus sociaux qui ont construit des images différentes du tirailleur. En insistant sur le combat et l’art agonistique, ce modèle ne dénonce jamais la guerre et les gouvernements qui l’organisent. Ce choix n’est pas sans rappeler la littérature militaire de la fin du XIXe et du début du XXe siècle qui magnifiait les qualités intrinsèques des recrues africaines. D’ailleurs, dans les allocutions prononcées par Abdoulaye Wade en 2004, celui-ci use des mots du colonisateur pour décrire l’histoire des tirailleurs, ceux du général de Gaulle, mais également ceux du Lieutenant-colonel Mangin[74] :

« Aucune troupe n’a jamais eu à donner les mêmes preuves de résistances à la fatigue et aux privations de toutes sortes. Par la longueur des étapes parcourues, par la continuité des efforts, par l’absence de toute espèce de ravitaillement, par la privation de nourriture et parfois de sommeil, nos Sénégalais ont donné la mesure de leur résistance (…). Ils ont montré leur élan dans le choc et leur ténacité dans la lutte. Encadrés comme ils le sont, aujourd’hui par des officiers et des sous-officiers français, il n’est pas d’ennemis, quels que soient son nombre, sa couleur et son armement, qu’ils ne soient en état d’affronter avec les plus grandes chances de succès »[75].

Ces visions relèvent surtout d’une vision essentialiste du soldat africain. Pourtant, cette écriture semble participer d’une tentative de renforcement de la cohésion nationale.

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Conclusions

En Afrique de l’Ouest, la sortie de la Seconde Guerre mondiale semble d’abord renforcer deux figures du soldat africain : celle du guerrier-héros et celle du conscrit-victime – victime autant des affres de la guerre que des brimades de ses supérieurs. C’est cette mémoire qui est aujourd’hui dominante au Sénégal et qui, à travers différentes narrations, officielles ou populaires, peut parfois faire office de grammaires identitaires, investie dans des contextes contemporains multiples et malléables. Il s’agissait dans cet article de revenir sur les différentes temporalités de ces processus mémoriaux. Du point de vue de l’historien, le rôle du « mercenaire » apparaît comme une catégorie analytique assez anachronique, pourtant elle est un terme émique à partir des années 1950 utilisé par la gauche sénégalaise. Les trois idéaux-types qui ont été présentés ici ont été associés, dans un sens, à trois figures dominantes du paysage national, Senghor, Sembène et Wade, qui tous trois « vécurent » l’événement Thiaroye. Les deux derniers se sont construits assez largement, soit sur le plan culturel soit sur le plan directement politique, en opposition au « père de la Nation ». Cela impose de conjuguer l’analyse de ces phénomènes mémoriaux à une étude des « génération politiques »[76]. Ainsi, le président Macky Sall, né en 1961 et élu en 2012, a lui rompu avec la « Journée du Tirailleur » depuis 2012.

Néanmoins, on ne saurait réduire l’analyse de la mémoire à cette simple variable. Dès les années 1960, l’armée fut un des piliers de la construction nationale, aujourd’hui cette institution organise assez largement la promotion d’une mémoire dominante autour du parcours des anciens combattants qu’elle tente de lier à sa propre trajectoire – notamment dans le cadre du Musée des forces armées. Ainsi, la formation d’une armée sénégalaise indépendante traduit de fortes persistances avec l’armée coloniale, notamment dans le recrutement de sous-officiers et d’officiers. Cette perception qu’a l’armée de sa propre histoire renvoie à des valeurs et des imaginaires assez communs à d’autres institutions militaires. De plus, cette représentation dominante de l’ancien combattant, qui insiste sur les dimensions de « martyrs » et de « héros », en éclipsant celle du « mercenaire », s’est largement imposée dans la sphère publique. Cela invite à penser alors, autant que les phénomènes mémoriaux, les phénomènes d’oubli. Dans ce cas, c’est la transformation, voire la disparition, des référents de la gauche marxiste sénégalaise qui devrait être alors au centre de l’attention. La focalisation sur les trajectoires de la mémoire, et sur ces trois figures, a ainsi permis de mettre en lumière ce phénomène social et politique qui, par ailleurs, renvoie à un ensemble de facteurs et est loin d’être propre au Sénégal.

Notes

[1] J’entends cette expression à la suite de Jurgën Habermas, L’espace public. Archéologie de la publicité comme dimension constitutive de la société bourgeoise, Paris, Payot, 1997 [1962].

[2] Pour une histoire de ce drame nous renvoyons à notre propre travail doctoral. Martin Mourre, De Thiaroye on aperçoit l’île de Gorée. Histoire, anthropologie et mémoire d’un massacre colonial au Sénégal, Thèse d’histoire et d’anthropologie soutenue à l’EHESS et à l’Université de Montréal, 2014.

[3] Dès l’implantation de comptoirs coloniaux, les autorités françaises recrutèrent de la main-d’œuvre africaine comme force militaire et en 1765 le corps des Laptots était institué. Voir Myron Echenberg, Les Tirailleurs sénégalais en Afrique occidentale française (1857-1960), Paris, Karthala, 2009, [1991 pour l’édition anglaise], p.29-56.

[4] En Afrique occidentale française, il faut attendre un décret en décembre 1905 pour que la traite soit interdite dans les colonies.

[5] Ruth Ginio, 2010, « French Officiers, African Officiers, and the Violent Image of African Colonial Soldiers », Historical Reflections, 36(2) : 59-75, 2010. Voir aussi le travail de cette historienne sur la mémoire et l’oubli des tirailleurs dans les années 2000 au Sénégal et qui appuie la démonstration des propositions présentées ici. Ruth Ginio, « African Colonial Soldiers between Memory and Forgetfulness : The Case of Post-Colonial Sengal », Outre-mer, 93, 350-351, 2006, p.141-155.

[6] Pour l’ouvrage de référence sur les tirailleurs pendant la Première Guerre mondiale, voir : Marc Michel, Les Africains et la Grande Guerre. L’Appel à l’Afrique (1914-1918), Paris, Karthala, 2003

[7] Gregory Mann, Native Sons. West African veterans and France in the twentieh century, Dhuram and London, Duke University Press, 2006, p.65.

[8] Myron Echenberg, Les Tirailleurs sénégalais…., op.cit., p.161.

[9] Myron Echenberg, Les Tirailleurs sénégalais…, op.cit., p.157.

[10] Nancy Lawler, Soldats d’infortune. Les tirailleurs ivoiriens de la Deuxième guerre mondiale, Paris, l’Harmattan, 1996 [1991], p.141.

[11] Voir Eric Jennings, La France libre fut africaine, Paris, Perrin, 2014.

[12] La Condition humaine, n°14, octobre 1948.

[13] Senghor fut prisonnier de guerre et passa presque deux ans dans plusieurs camps de détention.

[14] Cité dans Jean-René Bourel, « Hosties noires, Introduction et notices et notes », in Pierre Brunel (ed.), Léopold Sédar Senghor, poésie complète, Paris, Agence Universitaire de la Francophonie, 2007, p.127.

[15] Il s’agit de l’orthographe choisie par l’auteur.

[16] Ainsi, en 1956, dans un contexte politique qui s’était transformé, le journal signale une réédition d’Hosties noires et précise les librairies où les lecteurs peuvent se la procurer. La réédition du recueil en 1956 est l’occasion d’un encart publicitaire dans le journal, La Condition humaine, 19 juin 1956.

[17] Non signé, « Les disques de Fodéba Keita ‘Minuit’ et Aube africaine’ sont interdits », Réveil, 28 novembre 1949.

[18]Ibid.

[19] Il existe plusieurs versions de ces enregistrements disponibles à la Bibliothèque nationale de France.

[20] Le Rassemblement démocratique africain (RDA) était le grand parti fédéraliste, de tendance communiste, créé en 1946 à Bamako.

[21] Myron Echenberg, Les Tirailleurs sénégalais…, op.cit., p.270.

[22] Ibid., p.269

[23] Gladiator, « HOMMAGES émus aux MARTYRS de Tiaroye sur mer », La Voix des combattants et victimes des guerres de l’AOF, 30 novembre 1948

[24] Ibid.

[25] La présence des tirailleurs en Algérie est bien sûr antérieure. Notons également qu’ils furent largement impliqués dans les massacres du Constantinois, notamment à Sétif et Guelma, en mai 1945, voir Jean-Louis Planche, Sétif 1945. Chronique d’un massacre annoncé, Paris, Perrin, 2010.

[26] Yves Benot, Massacres coloniaux. 1944-1950 : La IVe république et la mise au pas des colonies françaises, Paris, La Découverte, 2001 [1994], p.148-149.

[27] Il est intéressant de noter les prises de positions de l’Association des anciens combattants parues dans Paris-Dakar. Le 13 février 1950, le quotidien écrit : « À la suite des sanglants incidents de Côte-d’Ivoire, les Anciens combattants de l’AOF soulignent leur fidélité et leur attachement à la France ». L’article poursuit : « Les Anciens Combattants de l’AOF, émus par les récents événements tragiques conséquence de la campagne anti-française, menée depuis quelques temps en Côte d’Ivoire ; déplorent les vies humaines vainement sacrifiées [et…] protestent avec la dernière énergie contre les provocations, les sévices et les appels à la rébellion qui troublent la vie sociale et économique du territoire le plus beau et le plus riche de la Fédération et menacent d’arrêter son essor ». L’article est signé de la Fédération des anciens combattants et victimes de la guerre de l’AOF et du Togo, de l’Association général des mutilés de l’AOF et SAC du Cap-Vert, de l’Association générale des amputés et grands blessés de l’AOF et de l’Association départementale des prisonniers de guerre de l’AOF.

[28] Parmi les territoire africains appelés à voter, seul la Guinée de Sékou Touré votera non.

[29] Le Parti Africain de l’Indépendance (PAI) fut fondé en 1957. Il constitue le parti le plus « à gauche » à cette époque. Bien qu’interdit en 1960, les militants continuent à militer clandestinement. Ainsi, le PAI a représenté une force politique significative au pouvoir de Senghor pendant les deux premières décennies de l’indépendance du pays.

[30] Non signé, « Une », La lutte, 14 septembre 1958

[31] Non signé, « Une », La lutte, novembre-décembre 1958

[32] Ibid.

[33] Le Parti du Regroupement Africain (PRA) est issu d’une scission avec l’Union progressiste sénégalais (UPS), le parti de Senghor remplaçant le BDS. La discorde principale concernait les positions à adopter lors du référendum de septembre 1958.

[34] La thèse d’Abdoulaye Ly fut soutenue en 1955 et publiée trois ans plus tard sous le titre La compagnie du Sénégal, Paris, Présence africaine, 1958. Elle traitait de cette compagnie à charte au milieu du XVIIe siècle et a fondé tout un pan de « l’école historiographique de Dakar ». L’autre volet de cette école de Dakar s’intéressait à l’égyptologie, axe de travail initié par Cheikh Anta Diop avec la publication de Nations nègres et culture en 1954 (Paris, Présence africaine) – mais Diop ne soutint sa thèse qu’en 1960. Sur l’école de Dakar, voir Ibrahima Thioub, « L’école de Dakar et la production d’une écriture académique de l’histoire », in Momar-Coumba Diop (ed.), Le Sénégal contemporain, Paris, Karthala, 2002, p.109-154.

[35] Abdoulaye Ly, Mercenaires noirs. Notes sur une forme d’exploitation des Africains, Paris, Présence africains, 1957, p.20

[36] Notons qu’un an plus tôt le pouvoir bicéphale tenu par Léopold Sédar Senghor et Mamadou Dia s’était scindé en deux. Le premier accusait le second d’avoir fomenté un coup d’état, Dia, considéré comme l’instigateur des réformes économiques fut condamné à la prison à perpétuité, puis finalement gracié en par Senghor en 1974. Pour une histoire de ces événements, Roland Colin, Sénégal notre pirogue. Au soleil de la liberté : journal de bord, 1955-1980, Paris, Présence africaine, 2007.

[37] Sadio Camara, L’épopée du Parti africain de l’indépendance (PAI) au Sénégal (1957-1980), Paris, L’Harmattan, 2013, p.105-106.

[38] Bulletn PAI-Information, n°23, cité dans Sadio Camara, L’épopée du Parti africain de l’indépendance…, op.cit., p.106.

[39] Outre l’habileté politique de Senghor, il faut souligner le rôle de l’armée française dans cette crise.

[40] Catherine Akpo-Vaché, 1996, « ‘Souviens-toi de Thiaroye !’ la mutinerie des tirailleurs sénégalais du 1er décembre 1944 », Guerres mondiales et conflit contemporain, 1996, 181, p.23.

[41] Notons d’ailleurs, qu’étant donné le manque d’archives aujourd’hui disponibles émanant de l’opposition, ces œuvres constituent des sources importantes pour reconstituer cette séquence historique.

[42] Pour une des meilleures biographies de Sembène, on se reportera à David Murphy, Sembene. Imagining alternatives in film & fiction, Oxford, James Currey, 2000.

[43] Sada Niang, 2009, « Les tirailleurs sénégalais sur les écrans africains : les films de Sembene Ousmane », in Roger Little (ed.), Lucie Cousturier, les tirailleurs sénégalais et la question coloniale. Acte du colloque international tenu à Fréjus les 13 et 14 juin 2008, Paris, L’Harmattan, 2009 p.129.

[44] Ibid., p.134

[45] « Une » du Soleil, 22 décembre 1988

[46] Djib Dhiedhiou, «  Un tir bien ajusté », Le Soleil, 24-25 décembre 1988

[47] Ibid.

[48] Lat-Dior est considéré comme le dernier résistant sénégalais à la pénétration coloniale française. Il meurt en 1886 à la bataille de Dekkk tués par les troupes du gouverneur général Louis Faidherbe. Pour une histoire de la mémoire de ce personnage au moment de l’indépendance, voir Martin Mourre, « De la mobilisation du passé au temps de l’indépendance sénégalaise, 1958-1980 », Matériaux pour l’histoire de notre temps, Les mémoires dans les constructions nationales : Afrique subsaharienne et Espace méditerranéen (arabophone), à paraître.

[49] La date de naissance d’Abdoulaye Wade fait l’objet de controverses

[50] Abdoulaye Wade, Une vie pour l’Afrique. Entretiens avec Jean-Marc Kalflèche et Delafon Gilles, Neuilly-Sur-Seine, Michel Lafon, 2008, p.17.

[51] Le débarquement de Provence débute en août 1944, bien que moins connu que le débarquement de Normandie, il fut d’une importance cruciale pour la libération du territoire français. Ce sont en partie des troupes coloniales qui s’y illustrèrent.

[52] L’Agence de presse sénégalaise (APS) est fondée sur le modèle de l’Agence de presse française (AFP), fournissant des dépêches plus que des articles.

[53] « La Journée du tirailleur à la une des quotidiens du lundi », APS, 23 août 2004.

[54] Ibid.

[55] « La Journée du tirailleur à la une des quotidiens du lundi », APS, 23 août 2004.

[56] Gregory Mann, Natives sons, op.cit., p.183-209.

[57] En effet, aucun élément probant ne permet d’affirmer l’emplacement des dépouilles des tirailleurs tombés à Thiaroye.

[58] Les décret n°2004-1176 du 19 août 2004 signé par Macky Sall stipule : « Article premier. En accord avec le patronat sur proposition du gouvernement, l’après-midi du lundi 23 août 2004 est déclarée chômée et payée pour la célébration de la Journée du tirailleur » ; « Article 2. Le ministre de l’Économie et des Finances et le ministre de la Fonction publique, du Travail, de l’Emploi et des Organisations professionnelles sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l’exécution du présent décret qui sera publié au Journal officiel de la République du Sénégal ».

[59] Johannes Michel, Gouverner les mémoires. Les politiques mémorielles en France, Paris, Presses Universitaires de France, 2010, p.5.

[60] M. L. Badji, « Commémoration de la Journée du tirailleur sénégalais. ‘Par devoir de mémoire’ », Le Soleil, 14-15 août 2004.

[61] Ibid.

[62] Iba der Thiam est notamment l’auteur d’une thèse en plus de neuf volumes sur L’évolution politique et syndicale du Sénégal colonial de 1840 à 1936, soutenue en 1983 à l’Université Paris 1 Sorbonne.

[63] Dans l’ensemble du corpus, soit une soixantaine d’article si l’on prend l’ensemble des différentes éditions jusqu’en 2013, j’ai compté un seul article émanant d’un historien du département d’histoire de l’UCAD, un entretien avec Ibrahima Thioub, « ‘Le régiment des tirailleurs est antérieur aux guerres mondiales’ », Le Soleil, 23 août 2006.

[64] Bara Diouf, « Pour la gloire et l’immortalité », Le Soleil, 24-25 mai 2008.

[65] F. Sambe, « Une si longue et fabuleuse histoire », Le Soleil, 23 août 2008.

[66] Ibrahima Ndiaye, «  Pour une réécriture de l’histoire », Le Soleil, 24-25 mai 2008.

[67] M.L. Badji, « Dupont et Demba, ciment d’un avenir commun », Le Soleil, 24 août 2004.

[68] Oumar Ndiaye, «  Le rôle des tirailleurs revisité », Le Soleil, 24 août 2004.

[69] Babacar Diallo, « Un devoir de mémoire et de vérité historique », Le Soleil, 24 août 2004.

[70] Voir à ce sujet les débats qui ont accompagné certaines des « lois mémorielles » à partir des années 2000, voir notamment Catherine Coquery-Vidrovitch, Enjeux politiques de l’histoire coloniale, Marseille, Agone, 2009.

[71] Patrick Dramé, 2006, « La journée du tirailleur sénégalais : une commémoration paradoxale », Africulture, 67 < http://www.africultures.com/php/?nav=article&no=4559 > (dernière consultation 15-09-2014).

[72] M. L. Badji, « Commémoration de la Journée du tirailleur sénégalais. ‘Par devoir de mémoire’ », Le Soleil, 14-15 août 2004.

[73] « Le 23 aout contre l’oubli », Le Soleil, 14-15 août 2004.

[74] Charles Mangin, officier de l’armée coloniale, est l’auteur du livre La force noire paru en 1910 qui constituera un véritable appel au recrutement de soldats africains à la veille de la Première Guerre mondiale. Charles Mangin, La force noire, Paris, l’Harmattan, 2011 [1910].

[75] « Les mots forts du président Wade », Le Soleil, 24 août 2004.

[76] Sur cette notion, voir Magali Boumaza, « Les générations politiques au prisme de la comparaison : quelques propositions théoriques et méthodologiques », Revue internationale de politique comparée, 16(2), 2009, p.189-203.

 

Publié sur le site de l’Atelier international des usages publics du passé le 11 janvier 2016