Atelier International de Recherches sur les Usages Publics du Passé

Programme de Recherches Interdisciplinaires de l’EHESS — Paris

Sabina Loriga ©
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Remarques introductives

I.

La question du trauma nous accompagne depuis longtemps. Nous l’avons abordée pour la première fois en décembre 2000, lors du séminaire que nous avions consacré à Mémoire, Histoire, Oubli, de Paul Ricœur. A partir de deux textes fondamentaux de Freud, Remémoration, répétition, perlaboration (1914) et Deuil et Mélancolie (1915), dans cet ouvrage, Ricœur aborde les troubles d’une mémoire collective empêchée, à savoir d’une mémoire blessée, malade, qui conduit une société à substituer le souvenir véritable avec la répétition (la «compulsion de répétition»). Cinq années plus tard, nous sommes revenu sur la question du trauma, dans le cadre d’une réflexion commune sur l’anachronisme, grâce à la lecture et à la discussion du texte de Françoise Davoine et Jean-Max-Gaudillière Histoire et trauma, centré sur le lien entre la folie et le lien social, donc sur l’idée que des micro-histoires singulières peuvent commencer à se dire seulement dans une liaison à la grande Histoire. Ensuite, nous avons eu la possibilité de creuser cette question dans une conversation avec Hugo Vezzetti et dans le cadre du séminaire que j’anime avec Jacques Revel. L’été dernier nous avons aussi pu approfondir certaines dimensions psychiques du trauma avec Roberta Guarnieri et la question des expressions artistiques du trauma avec Giovanni Careri, Angela Mengoni et Bernhard Rüdiger.

Ces journées puisent donc dans une longue expérience de recherche commune. Mais elles ouvrent aussi sur l’avenir. Elle sont les premières de l’Atelier sur les usages publics du passé, qui a été fondé il y a deux ans, et nous espérons pouvoir répéter cette expérience, la prochaine année. Dans la perspective propre à cet Atelier, elles sont fondées sur deux choix.

La première concerne ce qu’on pourrait appeler la géographie des affaires : il nous a semblé essentiel d’aller au delà de la dimension nationale et d’envisager des formes d’internationalisation voire de globalisation. Nous avons ainsi décidé de mettre au centre de la discussion des situations récentes disparates : après le génocide arménien, on abordera la question dans d’autres pays, tel que le Nicaragua, le Bénin, l’Argentine, le Rwanda, l’Algérie, le Cambodge. Le choix est loin d’être exhaustif et, en lisant les titres des interventions, on peut être étonné, en particulier, par la faible présence de la Shoah. En fait, il s’agit d’une absence apparente. Loin de minorer la politique d’extermination physique et culturelle de l’Etat nazi ni ses effets traumatiques sur les groupes persécutés, ce choix découle de la conviction que la Shoah est toujours , qu’elle demeure un point de référence inéluctable : on pourrait dire qu’elle représente une sorte d’étalon, dans la mesure où elle est devenue un modèle pour d’autres génocides ainsi que pour les réflexions sur le trauma (il suffit, à cet égard, de penser à la filiation politique et esthétique entre S21, la machine de mort Khmère rouge, le film de Rithy Panh, et Shoah de Claude Lanzmann).

La deuxième considération concerne la confrontation avec d’autres formes de connaissance du passé. On le sait : les historiens professionnels n’ont pas l’exclusivité de l’interprétation du passé. Pour cette raison, en tant qu’historiens et philosophes, nous avons choisi de concevoir ces journées en rapport étroit avec des psychanalystes, des sociologues, des historiens de l’art et des artistes, et de confronter les usages qu’on fait de la notion du trauma.

II.

L’histoire du terme «trauma» et de sa psychologisation a désormais été reconstruite par de nombreux ouvrages (cf. en particulier, Ruth Leys). Dans cette perspective, on a souligné, en particulier, le poids de différents phénomènes sociaux, propres aux XIXe et XXe siècles.

1)    Les accidents de travail ou de chemins de fer, analysés par Hermann Oppenheim, qui, en 1888, introduit le concept de «traumatisme psychique» (A).

2)    Les bouleversements sociaux, de la Commune à la Révolution russe du 1905 (B), jusqu’aux attentats terroristes des dernières décennies.

3)    La guerre. En particulier, pendant la première guerre mondiale, la psychiatrie militaire s’intéresse d’abord au «choc des tranchées» (Shellschock), causé par la terreur des bombardements d’artillerie et l’horreur de la boucherie des corps disloqués, ainsi qu’à la «traumatophobie» (littéralement «peur des blessures») que l’on invoque pour justifier des condamnations et des exécutions pour «couardise en face de l’ennemi» (C). Cinquante ans plus tard, la guerre du Viêtnam a entrainé un regain d’intérêt pour la pathologie traumatique, devenue de plus en plus connue sous le nom de trouble de stress post-traumatique où les symptômes apparaissent bien après la survenue de l’événement traumatisant (D).

4)    La Shoah, qui a montré de manière répétée la difficulté de croire en l’incroyable réalité des camps et, donc, la nécessité, pour le rescapé, de trouver non seulement un interlocuteur qui accepte d’écouter et d’entendre, mais aussi un témoin de son propre trauma.

5)    Plus récemment, la question du trauma collectif a été posée pour la vie civile, à propos des victimes des agressions criminelles et des viols (Rape trauma syndrom).

Sans doute, cette chronologie, centrée sur le XIXe et XXe siècle, est liée à l’évolution des conceptions psychologiques. Au point qu’on a pu déclarer : «Si les années 1960 ont été celles de la schizophrénie, les années 1970 celles de la dépression, les années 1980 sont celles de l’anxiété et du stress post-traumatique, qui fait son apparition dans la classification internationale du DSM IV comme une réponse d’adaptation aiguë, phénomène psychotique bref et transitoire, entraînant clivage, dépersonnalisation, dissociation, dépression, anxiété, modifications pathologiques de la personnalité» (cf. Abram Coen).

Toutefois, comme Didier Fassin et Richard Rechtman l’ont mis en lumière, loin d’être le résultat exclusif d’une réflexion médicale savante, l’affirmation du thème du trauma demeure aux confins de la psychologie, des sciences sociales, et du juridique (les séquelles d’une situation traumatique peuvent déclencher une demande de réparation). En particulier, ces dernières années, le concept du traumatisme survient de plus en plus hors du champ clinique, dans les tentatives de transmettre l’expérience des survivants, des rescapés, ainsi que des victimes indirectes des expériences génocidaires du XXe siècle, qui n’ont pas vécu l’événement traumatique, mais ont été terrassées par la massivité de la perte (comme les enfants de survivants). Accepté par les sciences sociales, le concept de trauma nourrit également de nombreux textes littéraires ainsi que des œuvres d’art. Bref, le concept de trauma, ou de traumatisme, qui a toujours été central au sein de l’appareil théorique de la psychanalyse et de la psychiatrie, est à la «une» de l’actualité.

Comme Cathy Caruth l’a remarqué, la diffusion de la notion de trauma indique qu’on est devenu plus sensible à la manière dont certains événements historiques perturbent gravement les capacités de symbolisation des individus, attaquant leur capacité de pensée. C’est à partir de cette prise de conscience, qu’on a commencé à élargir la question du trauma du plan individuel à celui collectif. Dans les dernières décennies, ce concept a pris de plus en plus une dimension de groupe : on parle de «traumatisation secondaire» pour la famille, de «fatigue de compassion» ou «burn out» pour les professionnels, de «transmission intergénérationnelle» chez les descendants de la deuxième, voire troisième génération (cf. Helen Epstein). Comme Ricœur l’a souligné, à partir de la constitution bipolaire de l’identité personnelle, il est légitime de transposer au plan de la mémoire collective et de l’histoire les catégories pathologiques proposées par Freud. Etant donné le rapport fondamental de l’histoire avec la violence, la mémoire collective est imprégnée de blessures symboliques appelant guérison. On peut donc parler de traumatisme, de blessure de la mémoire, d’objet perdu, de conduite de deuil, etc., même pour des communautés ou des groupes.

Toutefois, à relever rapidement les occurrences récentes en sciences sociales, on a parfois l’impression qu’on utilise la notion du trauma (ainsi que les termes qui y sont massivement liés : victime, deuil, résilience) comme si elle était porteuse de sa propre explication. N’y-a-t-il pas un élargissement imprécis du terme, une sorte de banalisation ? Le risque est de nous contenter d’une vision trop évidente et «factuelle» du trauma, de perdre son épaisseur temporelle, à savoir les stratifications et les résurgences, mais aussi l’enjeu qu’il y a à considérer les dimensions de la vie psychique dans l’interprétation du passé. Sans vouloir réaffirmer une vision orthodoxe, il nous semble important de nous interroger sur la résurgence pré-psychanalytique de la notion du trauma, résurgence qui va souvent de pair avec la diffusion des techniques de «debriefing» ou «defusing», qui devraient permettre de mettre «les maux en mots», de manière à «obtenir très rapidement l’abréaction chez les sujets qui ont subi un trauma et une sorte de guérison concernant l’événement» (cf. Alain Vanier, cit. in Catherine Saladin). La diffusion de ces techniques semble avoir encouragé l’idée que le trauma est une expérience immédiatement reconnaissable, mémorable et nommable.

III.

A cet égard, il nous semble intéressant de souligner au moins deux écarts conceptuels.

Tout d’abord, dans la tradition psychologique, le concept de trauma est en général lié à un dérangement de la mémoire. Soit quelques exemples classiques.

Dans les Leçons sur les maladies du système nerveux (1885-1887), leçons 18 à 22, portant sur 7 cas d’hystérie masculine, Charcot déclare que les symptômes hystériques sont dus à un «choc» traumatique provoquant une dissociation de la conscience : de ce fait, le souvenir reste inconscient.

Quelques années plus tard, dans sa thèse L’automatisme psychologique (1889), Pierre Janet présente 21 cas de névroses traumatiques. Il souligne la désagrégation de la conscience qui semble caractériser les patients traumatisés ainsi que la présence d’idées fixes, vague souvenir de l’événement traumatisant.

Cette idée traverse également la psychanalyse, pour laquelle l’une des caractéristiques du trauma est son refoulement. Le concept de traumatisme garde une place centrale tout au long du développement de l’œuvre de Freud, de bout en bout : des Etudes sur l’hystérie (1895) à L’homme Moïse et la religion monothéiste (1939). Le concept subit, au gré des avancées, d’importants remaniements, en particulier en ce qui concerne sa dimension réelle ou bien fantasmatique (E). Néanmoins, Freud demeure toujours sensible à l’idée que l’expérience se dégage en fonction d’un impossible à dire, d’un impossible à supporter, d’un refoulé de départ ou originaire, sous effacement, et se charge d’un sens qui lui demeure en quelque sorte étranger.

Dernier auteur classique, même si longtemps méconnu, Sandor Ferenczi, qui a souligné à plusieurs reprises le poids des événements extérieurs dans les névroses traumatiques. Il écrit : «ce sont toujours de réels bouleversements et conflits avec le monde extérieur, qui sont traumatiques et ont un effet de choc, qui donnent la première impulsion à la création de directions anormales de développement ; ceux-ci précèdent toujours la formation des puissances psychiques névrogènes, par exemple aussi celles de la conscience morale». Pour Ferenczi, le trauma (en particulier celui précoce) perturbe gravement la capacité de symbolisation. Par voie de conséquence, pour l’individu traumatisé, la scène traumatique est inaccessible : celui-ci conçoit intellectuellement cette scène, mais en même temps doute de son existence. L’événement traumatique est accompagné d’une amnésie relative (F).

Dans cette perspective, loin d’être immédiatement associé à la notion de souvenir et de témoignage, celle du trauma rassemble à un vide, à un trou, qui demande un travail indiciaire indirect. Cette dimension de vide, exprimée de manière éblouissante par Winfried Georg Sebald dans son récit de la vie mutilée de Jacques Austerlitz, a été attestée par de nombreuses victimes.

Dans ses mémoires, écrites à la fin de la première guerre mondiale, l’officier anglais Charles Edmund Carrington écrit, sous le pseudonyme de Charles Edmonds : «nous restons une génération d’initiés, qui partage un secret qui ne peut pas être communiqué» (cf. Eric Leed). Robert Graves semble partager cet avis. Il dit : «on ne peut pas restituer un bruit qui ne cesse jamais, même pas pour un instant». Récemment Dori Laub et Nanette C. Auerhahn ont écrit, à propos de la Shoah, que la difficulté de communication ne concerne pas seulement le rapport du rescapé avec les autres, mais le rapport du rescapé avec soi-même : «dans cette forme de mémoire traumatique, le centre de l’expérience n’est plus dans le ‘Je’ qui fait une expérience. Les événements se produisent quelque part, mais ne sont plus liés au sujet conscient […] Cet état double qui consiste à savoir et ne pas savoir laisse le survivant dans le chagrin qu’il ressent, non seulement pour les personnes décédées qui lui sont chères mais aussi pour les souvenirs qu’il a perdus. L’absence de savoir empêche de réveiller le désespoir qui accompagnerait le souvenir, mais laisse le survivant seul et inconnu de lui-même». Pour sa part, Caty Caruth élargit cette remarque à toute situation traumatique, lorsque elle parle de «the inability fully to witness the event as it occurs, or the ability to witness the event fully only at the cost of witnessing oneself». Plusieurs articles du numéro de la Revue française de psychanalyse, «Devoir de mémoire : entre passion et oubli», publié en 2000, insistent sur cette incapacité, due aussi au fait que le traumatisme entrave la formation de souvenirs verbalement organisés, car, comme l’écrit Simon Korff-Sausse, «le sujet traumatisé est double : il est celui qui subit la violence des autres, mais aussi celui qui y participe sur le plan fantasmatique».

Il ne s’agit pas de dire que les événements traumatiques sont indicibles, mais que le rapport entre trauma et témoignage est loin d’être évident. Comment dire une vérité qui n’a pas pu venir au jour du fait du trauma ? Comment prendre la parole si le traumatisme impacte le récit et implique la perte de confiance dans les «autres»? La question devient encore plus complexe lorsqu’on a à faire à des témoignages publics. Dans les dernières années, de nombreuses institutions politiques et médiatiques ont partagé l’idée selon laquelle la prise de parole contribue à l’élaboration du trauma. Le mot d’ordre semble être : déverrouiller la parole. L’expression publique est conçue, comme le montrent les cas de l’Afrique du Sud et du Rwanda, comme une expérience cathartique indispensable pour dépasser la tragédie et encourager la réconciliation. En fait, il est permis de douter de la parole publique. La prise de parole ne risque-t-elle pas de simuler une stratégie de l’oubli et le désir d’un retour précoce à la normalité, d’encourager la dénégation (cf. les remarques de Eric L. Santer sur les approches idolâtrique et fétichiste à la Shoah) ? Ou bien d’être une source de retraumatisation ou de revictimisation ? Comme l’écrit Rachel Rosenblum, on peut mourir de dire la catastrophe : «on peut mourir de ce que certaines choses n’aient jamais été dites. Mais on peut aussi bien mourir de ce qu’elles aient été dites, de ce qu’elles aient été ‘mal’ dites, ou ‘mal’ écoutées, ou ‘mal’ reçues».

Le deuxième écart concerne la dimension temporelle. Pour Freud, il y a un événement qui déclenche le trauma, mais cet événement se déroule sur une temporalité très complexe. La notion de l’après-coup (Nachträglichkeit), formulée en 1896 dans une lettre à Wilhelm Fliess, indique que le trauma suit un processus de stratification temporelle, fondé sur deux temps. L’événement primaire est ensuite rappelé par un autre événement «d’apparence banal» : à savoir que, dans un contexte historique et subjectif postérieur, l’individu remanie les événements passés, en leur donnant une signification nouvelle. A travers la notion d’après-coup, Freud met en lumière qu’un moment second fait ressortir ce qui a été mais ne pouvait se dire (G).

Pour sa part, Sandor Ferenczi pense que le traumatisme est biphasé. Tout en reconnaissant le lien étroit existant entre les chocs psychiques et la réalité externe, celui-ci se structure en deux étapes : celui de l’événement traumatique à proprement parler ; et le suivant, celui de silence des autres, qui, parfois pour des raisons bienveillantes, évitent de nommer le caractère traumatique de l’événement.

Une autre suggestion temporelle importante vient de Masud Khan, qui remarque que le trauma peut aussi faire partie de l’ordinaire. Les dégâts désorganisateurs peuvent être le résultat d’une accumulation à long terme de micro-traumatismes insidieux. A cet égard, dans Le soi caché, Khan parle de «traumatisme cumulatif», résultat d’une exposition itérative et toxique. De ce point de vue, il y aurait un traumatisme invisible, résultant d’une exposition répétée à des événements de vie négatifs, dû à l’absence d’un environnement capable de construire une confiance de base.

La vulgarisation du terme du trauma n’est-elle pas en train de réduire et simplifier de manière excessive le processus de stratification temporelle, mis en lumière, sous des angles différents, par Freud, Ferenczi, ou Masud Kahn ?

IV.

Ce sont ces questions — parmi d’autres — qui nous ont encouragés à organiser ces journées. Bien évidemment, il ne s’agit pas de réaffirmer une conception orthodoxe de la notion de trauma, mais de réfléchir ensemble aux usages des cette notion. Et de le faire, empiriquement, à travers des cas spécifiques, de manière à éviter toute généralisation. A cet égard, on peut conclure ces quelques remarques introductives avec un passage d’un article de Rosine Crémieux, dans la Revue française de psychanalyse (2000/1, op. cit.), lorsqu’elle dit : «comme beaucoup d’anciens déportés devenus psychanalystes, j’ai toujours été profondément agacée par le caractère totalisant des théories psychanalytiques appliquées à notre comportement. […] Ce qui me choque, c’est la généralisation. Comme si, une fois encore, nous étions des Stücke (terme allemand, qui signifie morceau, pièce, utilisé par les nazis pour désigner les déportés) interchangeables sans notre personnalité, sans notre histoire, sans passé».

Sabina Loriga pour l’Atelier, 7 juin 2012

Notes

A. Son ouvrage Die Traumatische neurosen (Les névroses traumatiques), 1888, présente 42 cas de névrose consécutifs à des accidents du travail ou des accidents de chemin de fer (railway brain). Il propose une thèse psychogénique : l’effroi (schreck) peut provoquer un ébranlement psychique ou affectif intense en mesure de provoquer une altération psychique durable.

B. Cf. l’ouvrage du médecin aliéniste Ludger Lunier, De l’influence des grandes commotions politiques et sociales sur le développement des maladies mentales. Mouvement de l’aliénation mentale en France pendant les années 1869 à 1873, Paris, 1874, ainsi que les deux textes du psychiatre polonais Adam Cygielstrejch, parus dans les Annales Médico-Psychologiques, en 1912, consacrés aux troubles psychiques de guerre durant la guerre russo-japonaise de 1904-1905.

C. Le terme a été inventé en 1915, par le psychologue anglais Charles Samuel Myers (1873-1946).

D. Dans les années 1980, le Post-Traumatic Stress Disorder (PTDS) a été officiellement reconnu par la Société américaine de psychiatrie.

E. Dans une lettre célèbre à Wilhelm Fliess, du 21 septembre 1897, Freud déplace l’accent de l’événement réel au psychisme : il semble dépasse l’idée qu’il y a toujours un trauma réel à l’origine des névroses et accorder un pouvoir traumatogène au fantasme. Cette perspective, qui ouvre la possibilité qu’il n’y a pas de correspondance directe entre la réalité historique et le souvenir, est remise en discussion à la suite de la première guerre mondiale. Dans Au delà du principe de plaisir (1920), analysant les cauchemars des soldats, Freud explique que la névrose traumatique se développe lorsqu’un événement violent et soudain cause l’effroi (le signal d’angoisse ne permet plus au Moi de se protéger de l’effraction). Pour une reconstruction de l’histoire du concept de trauma chez Freud, cf. Sylvie Dreyfus, «Le traumatisme psychique : Organisation et désorganisation», Revue française de psychanalyse, 2005.

F. Pour sa part, le DSM III-R, le manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux publié par la Société américaine de psychiatrie, en 1987, souligne la dimension amnésique («inability to recall an important aspect of the traume»).

G. Comme il l’écrit dans le cas d’Emma (L’Esquisse, Naissance de la psychanalyse, chap. «Psychopathologie de l’hystérie»), l’événement primaire est une condition du trauma, mais il développe son potentiel traumatique seulement à la suite d’autres événements successifs.

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