Depuis la fin des années 1990, les protestations contre l’oubli des victimes de la guerre civile et de la dictature franquiste, à la fois dans les politiques mémorielles de la démocratie et dans l’historiographie connaissent un nouvel écho. Cet oubli aurait résulté de la volonté des acteurs de la transition démocratique (1975-1982) de ne pas compromettre le changement de régime, auquel participait le secteur réformiste du franquisme, par un retour critique sur l’histoire du pays. Des associations et des intellectuels revendiquent ainsi la « récupération de la mémoire historique » et la clarification de la position de la démocratie espagnole à l’égard de son passé récent. De toutes leurs actions, la plus visible est l’exhumation des corps des victimes d’exécutions sommaires hors des fosses communes où ils se trouvent depuis la guerre, afin de les honorer et de leur donner une sépulture digne. Ces initiatives qui réunissent les familles des victimes, des associations et des experts ont largement contribué à la médiatisation de ce mouvement et à sa popularité croissante, dans les années 2000. Le parti socialiste (PSOE), depuis l’opposition, s’est approprié certaines des revendications de ce mouvement. Au gouvernement, il a adopté une loi de réparation en 2007. Celle-ci prévoit notamment l’engagement des pouvoirs publics (l’État et les collectivités locales) dans l’entreprise d’exhumation des corps.
Cette focalisation relative des actions et des discours sur les corps morts des victimes et la nécessité de réparer l’absence de sépulture s’inscrit dans un contexte international. De l’ex- Yougoslavie au Rwanda, on retrouve ces mêmes questions. En Espagne, en outre, cette présence des cadavres dans le débat public s’inscrit dans une histoire qui remonte au moins à la fin de la guerre civile. Les autorités franquistes sont en effet les premières à mettre les morts tombés sur le champ de bataille – les caídos – et leurs corps au cœur des discours et des rituels politiques. Les pouvoirs publics, qui exhument des cadavres à des fins judiciaires, organisent ensuite de grandes cérémonies publiques de mise en terre. Ils encouragent, par ailleurs, les particuliers à exhumer leurs morts pour leur donner une sépulture.
Cette journée d’études intitulée « Retour sur la guerre d’Espagne. Mémoire et histoire » sera consacrée aux mouvements de « récupération » de la mémoire historique et à ses actions en faveur de la réparation des victimes du franquisme. Des anthropologues, des historiens, des sociologues et des politistes, spécialistes de l’Espagne et de l’Argentine, replaceront la pratique des exhumations dans le contexte des conflits mémoriels, dans l’histoire de la répression et de la propagande franquiste, ainsi que dans celle de la circulation internationale des modèles de sortie de dictature et de justice transitionnelle. L’étude des échanges d’expériences entre l’Espagne et l’Argentine dans ce domaine permettra de réfléchir aux modalités de l’émergence récente en Espagne de la catégorie de « victime du franquisme » et aux débats que celle-ci suscite.
Lundi 18 mai 2015
Colegio de España (salle Luis Buñuel)
7, boulevard Jourdan75014 Paris
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