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A propos du film documentaire Les vaincus, les fétiches et l’UNESCO de Gaetano Ciarcia (Université Paul-Valéry-Montpellier 3) et Jean-Christophe Monferran (CNRS-IIAC).
En 1993, sur la proposition des représentants d’Haïti et de plusieurs pays africains, la Conférence générale de l’Unesco a approuvé la réalisation du programme de la Route de l’Esclave centré sur l’idée d’un « patrimoine commun immatériel » de la traite négrière partagé par les peuples africains, amérindiens et européens. Soutenu par l’Organisation mondiale du tourisme, ce projet visait essentiellement à identifier, restaurer et promouvoir les sites, les bâtiments et les lieux de mémoire relevant de l’histoire de l’esclavage afin de valoriser le développement économique et social à travers l’impulsion du tourisme culturel[1]. Un tel programme a été finalisé, en 1994, par le lancement de l’itinéraire mémoriel de « La Route de l’Esclave » au Bénin, pays africain parmi les plus affectés par l’histoire de la traite transatlantique, notamment dans la ville de Ouidah qui de la première moitié du 18ème siècle à la deuxième moitié du 19ème siècle fut le principal comptoir négrier du royaume esclavagiste d’Abomey.
Menant du centre de la ville de Ouidah à la plage, la Route de l’Esclave est à la fois un programme international et un parcours en terre battue long d’un peu plus de trois kilomètres qui se compose de six étapes principales : la place de la vente aux enchères ; l’arbre de l’Oubli ; la case Zomaï ; le mémorial dans le village de Zoungbodji ; l’arbre du Retour ; la Porte du Non-Retour. Conçus comme emblématiques de l’histoire de la traite à Ouidah, ces lieux sont reliés par 22 sculptures, aux styles différents, installées lors du festival des arts et de la culture vodun Ouidah 92. Retrouvailles Amériques-Afrique, et dont la présence est légèrement antérieure au lancement de l’itinéraire. D’une manière discontinue, un tel aménagement met en relation les souvenirs de la souffrance des captifs ; la dimension sacrée des cultes vodun ; la représentation, à travers des figures et des objets « traditionnels », de la vie quotidienne du passé ; la puissance et le prestige des souverains d’Abomey ayant dominé le territoire de Ouidah, après l’avoir arraché, en 1727, à la dynastie « autochtone » Huéda, jusqu’à la colonisation française en 1892. Ainsi, mêlant les matériaux, les formes plastiques et les diverses images de la sujétion et du pouvoir, de la douleur, de la vie religieuse et profane, ces sculptures inscrivent l’histoire locale dans une arène commémorative où le souvenir du passé de l’esclavage est imbriqué dans les images de la domination des anciens rois du Danhomé qui avaient résisté à la colonisation française.
Aujourd’hui, la Route est dans un état de dégradation dû en partie à l’incurie de la part des institutions ; cette négligence est aussi le reflet d’un manque d’intérêt et de financements qui, après la fin, en 1995, de la présidence de Nicéphore Soglo, a caractérisé durant les deux mandats de Mathieu Kérékou et de son successeur Boni Yayi, les politiques nationales de valorisation du patrimoine. Le délabrement des monuments qui jalonnent l’itinéraire, l’antagonisme des différents promoteurs d’initiatives culturelles et commerciales, les promesses de valorisation et de rénovation ont indiqué que toute tentative d’anamnèse ou d’objectivation historique serait sacrifiée à la nécessité patrimoniale et touristique, très partiellement assumée par les institutions, de mettre en scène un tel devoir de mémoire. Cette impasse illustre aussi les oppositions entre intérêts variés, particuliers et collectifs. Aussi des conflits ont-ils troublé à plusieurs reprises les relations entre le comité scientifique béninois et les experts mandatés par le Centre du patrimoine mondial qui, en 2001, a rejeté une première demande de classement de la Route sur la Liste des biens culturels de l’humanité en raison d’un manque de visibilité et de lisibilité des sites encombrés par des aménagements ne respectant pas « l’esprit des lieux »[2]. D’ailleurs, selon mes interlocuteurs béninois, qui se sont impliqués dans la préparation du dossier, les divers plans de gestion proposés par l’État ont fait l’objet de critiques par les consultants étrangers, déclenchant parfois des polémiques ou des frictions qui, ajoutées aux revendications budgétaires de la part des spécialistes nationaux, ont débouché sur une situation d’impasse[3].
Lors de mes enquêtes que j’ai menées entre 2005 et 2012, j’ai pu observer comment les narrations, qui circulent sur cette scène mémorielle, ne font pas l’objet d’une reconstitution formellement acceptée par tous les représentants des diverses collectivités impliquées et interpellées par ce projet patrimonial. Car, à l’échelle locale, le souvenir, souvent silencieux, inhérent aux rapports sociaux hérités du passé de l’esclavage, a été ébranlé par le lancement de l’itinéraire intercontinental de la Route de l’Esclave en 1994. Loin d’être un discours explicite et figé, la canonisation du souvenir de la traite sous l’égide de l’Unesco, tout en représentant un devoir de mémoire, qui peut s’accompagner d’amnésies authentiques ou stratégiques, procède d’une généalogie. Cette généalogie s’inscrit à la fois dans une longue durée et, pour ce qui concerne les acteurs locaux, dans les tactiques immédiates du présent patrimonial à saisir en tant que ressource identitaire et économique.
Suite au rejet par le Centre du patrimoine mondial de la demande d’inscription sur la Liste du patrimoine mondial de l’Unesco, un nouveau dossier préparé par un comité d’experts béninois est en voie de finalisation. Pour les concepteurs du nouveau dispositif d’interprétation, de nouveaux lieux de mémoire du passé de l’esclavage présents sur le territoire béninois s’intègrent à l’itinéraire de la Route. Il s’agit des sites archéologiques d’Oké Shabé – près de la ville de Savè, située dans la région des Collines à environ 150 kilomètres d’Abomey – et de Yaka dans la commune de Dassa-Zoumé – toujours dans la région des Collines – où il est possible de retrouver les vestiges d’emplacements défensifs (grottes, remparts, abris, points d’observation, tours de contrôle) habités et utilisés par des groupes d’origines différentes qui furent tous affectés par des guerres et des razzias provoquées notamment par la mise en esclavage des populations vaincues.
En se démarquant de la connexion (produite aussi par leur quasi-contemporanéité) entre le lancement de l’itinéraire en 1994 et le festival des arts et de la culture vodun Ouidah 92[4], ce nouveau plan de réaménagement qui aurait pour but de conférer au passé des bases éthiques plus « convenables » pose également la question de l’élaboration intellectuelle de la place morale de la religion traditionnelle. Au lieu d’une synchronisation du renouveau du vodun avec les mémoires de la traite qui semblait aller de soi il y a quelques années, cette nouvelle version scénographique impliquerait d’associer diverses thématiques mémorielles.
Dans ce nouveau projet patrimonial, deux autres sites ont été retenus sur le territoire de la commune de Ouidah : l’ancien Fort Portugais dans le centre de la ville, devenu par la suite le Musée historique, qui durant la période de la traite aurait servi d’entrepôt et de forteresse et, à Savi, la Forêt sacrée de Yênouzun, lieu rituel de transit des convois de captifs, dont la plupart étaient destinés à la déportation aux Amériques. Ce dernier lieu est significatif de comment désormais ce passé revisité ne concerne pas seulement la relation mémorielle à l’esclavage (celui de la traite océanique, mais aussi l’esclavage domestique et celui des plantations), mais, de manière conjointe, il pèse aussi sur les questions domaniales et les droits coutumiers, très mouvants, et sur les revendications inspirées par le principe de l’autochtonie. Une telle problématique patrimoniale est aussi liée au fait qu’il s’agit parfois de sites privés investis par des aménagements publics et parfois de lieux publics occupés par des aménagements privés. Cette opposition va bien au-delà des frictions cadastrales ; elle concerne de très près la question plus vaste de l’institution de mémoires collectives confrontées à des propriétés individuelles, familiales ou claniques, donc porteuses de valeurs et d’aspirations qui ne correspondent pas forcément aux intentions officielles de créer les lieux d’une mémoire sociale et historique partagée. Au plan communautaire, l’origine indique la propriété de la tradition à patrimonialiser, elle est donc perçue moins comme une catégorie instituée que comme une catégorie propre à justifier sa valorisation patrimoniale. Dans ce cadre, l’appropriation contemporaine de la primauté conférée par la revendication du principe de l’autochtonie intègre d’une manière conflictuelle, plus qu’elle ne s’y oppose radicalement, la rhétorique du métissage des identités et des lieux de mémoire à l’œuvre dans l’institutionnalisation patrimoniale d’une mémoire historique de la période esclavagiste.
Ancienne capitale du royaume huéda, vaincu par les Fon d’Abomey en 1727, aujourd’hui arrondissement rural périphérique, avec une population d’un peu moins de 8000 habitants, situé à environ 8 kilomètres de Ouidah, Savi est le lieu d’une mémoire toujours conflictuelle de l’histoire de la guerre entre Abomey et Ouidah, Fon et Huéda, qui a eu cours entre 1717 et 1727. Ici, les conflits contemporains autour de la « Forêt sacrée » locale sont l’effet de l’actualisation du passé qu’opèrent les projets patrimoniaux. Dès mes premières recherches en 2005, j’avais constaté que les relations apparemment apaisées à Ouidah entre Fon et Huéda étaient, au contraire, visiblement tendues dans ce bourg à l’histoire et aux vestiges anciens. Cette ancienne capitale et comptoir négrier du royaume huéda, qui s’était opposé à l’expansionnisme du roi aboméen Agadja, est devenue une cité aux deux autochtonies, celle des descendants des vaincus et celle des lignages fon qui après la défaite, en 1727, du roi huéda Houffon l’avaient colonisée et qui de nos jours sont majoritaires du point de vue démographique et aussi politiquement hégémoniques. L’antagonisme entre les deux groupes se focalise aussi sur la Forêt sacrée de Yênouzun, revendiquée par les Huéda comme la forêt du roi Houffon. Tandis que du côté fon, on argue que la forêt du roi déchu était celle de Ahizoumin environnant le site de l’ancien marché et de son ancien palais. Selon les narrations locales actuelles, la terre, avec les fétiches présents dans les fondations de ces emplacements, rasés lors de la conquête de 1727, aurait été enlevée et transportée à Abomey, signe de renversement physique et symbolique des droits du sol et en quelque sorte de leur suppression et déportation, au sens figuré et littéral.
En 2003, pour tenter de rétablir partiellement ces droits qui avaient été enlevés à leurs aïeux, l’instituteur, aujourd’hui à la retraite, Pascal Yekamé avec d’autres Huéda de l’association « Rassemblement fraternel des Huéda » dirigé par John Séjivé Boko, un homme d’affaires basé à Cotonou, avaient organisé un pèlerinage et des cérémonies d’apaisement des esprits de leurs ancêtres errant dans la forêt de Yênouzun. Le pèlerinage qui, selon ses promoteurs, avait réuni environ 400 « Huéda de l’extérieur » avait enclenché une riposte violente des Fon de la ville, empêchant au cours des années suivantes la réitération de tout retour symbolique de groupes de Huéda sur le sol de leurs ancêtres où certains parmi eux, comme Yekamé me l’avait confié, se proposaient (« quand même ») de racheter des parcelles de terrains disponibles pour y construire des maisons. Cette initiative avait donc été très mal reçue par les dignitaires fon de la ville qui avaient menacé Yekamé de représailles pouvant aller jusqu’à la mort : « Je dois aux dieux que ma maison n’ait pas été brûlée » par les Fon outrés par le sacrilège commis, me dit-il. Il avait fallu l’intervention du Dah Soglo, d’origine fon, colonel de la gendarmerie de Porto-Novo, véritable autorité politique, militaire et morale de la petite ville, pour calmer les esprits. Par la suite, chacune des négociations visant à renouveler pacifiquement la cérémonie a échoué.
Je me suis rendu à Savi régulièrement au cours de mes diverses missions, mais c’est en 2012, lors du tournage du film documentaire Mémoire promise, et alors que nous étions, avec Yekamé, dans la Forêt sacrée, que j’ai pu constater que le climat était toujours envenimé, aussi suite à une nouvelle confrontation, qui avait eu lieu en janvier 2011, entre les deux camps. Si au cours de mes enquêtes précédentes, j’avais toujours eu une autorisation de la mairie de Ouidah, cette fois-ci j’en étais dépourvu et, Jean-Christophe Monferran, le réalisateur, et moi-même avons été impliqués dans des pourparlers avec un groupe de Fon prenant à partie, Pascal Yekamé, notre accompagnateur huéda qui, durant la discussion animée, dont nous étions les observateurs et notre présence l’« enjeu », nous avait présentés comme des professeurs d’histoire envoyés par le ministère béninois de la Culture pour reconnaître l’importance du site.
Àprès avoir rassuré les gardiens fon de la fôret, Pascal Yekamé, à côté de l’abri où les fétiches perdus par ses ancêtres sont toujours installés, nous répétait ce qu’il m’avait déjà dit à plusieurs reprises, qu’il espérait un jour pouvoir revenir dans la forêt afin d’accomplir, grâce au classement patrimonial du site, des rituels sur ces autels ayant appartenus à ses ancêtres. Convaincu de la toute-puissance de l’État national, il était persuadé que « quand l’Unesco classera la forêt, les Huéda pourront reprendre à y pratiquer leurs cultes autour de leurs fétiches ». Il paraissait ainsi ignorer une donnée de l’histoire culturelle de la région, c’est-à-dire que les vainqueurs peuvent s’emparer aussi des cultes des vaincus et en disposer : ils peuvent les laisser s’éteindre ou se les approprier et les pratiquer à leur tour. En ce sens, l’espoir de pouvoir un jour, dans une nouvelle ère patrimoniale, revenir aux autels perdus en 1727, c’est-à-dire presque trois siècles auparavant, semble indiquer que pour Yekamé le patrimoine est supposé permettre à l’origine perdue de ressurgir. Convaincu que « l’État peut tout », il révélait ainsi son espérance que dans un contexte idéalement apprivoisé par l’ingénierie patrimoniale gouvernementale, la cohabitation entre Fon et Huéda au sein de la « Forêt sacrée » de Savi serait possible si elle conduisait à transformer radicalement le rapport entre cultes et officiants. Car, selon une « logique du cumul »[5] que, à sa manière, Yekamé appelle de ses vœux en la détournant, le même autel pourrait faire l’objet de plusieurs pratiques et pourrait être la chose de plusieurs maîtres de cérémonies. Cette logique semble s’identifier ici à une promesse d’efficacité « culturelle » qui est loin d’être audible par ceux qui se revendiquent être les descendants des anciens énnemis ayant conquis Savi en 1727.
Ce thème que je propose de définir, l’« autochtonie de retour », a attiré mon attention au cours des enquêtes que j’ai menées à Savi en raison également du fait que chez ceux qui affirmeaient leur appartenance originelle, il s’accompagnait de la reconnaissance du brassage des identités produit par les mariages entre Fon et Huédas. Yekamé rappelait que le retour de sa famille à Savi a eu lieu il y a 150 ans grâce aux services de guérisseur rendus par l’un de ses aïeux qui aurait sauvé de la maladie les enfants d’une famille fon. En récompense, on lui aurait octroyé une parcelle où construire sa maison et « on » l’aurait marié avec une femme fon. Yekamé qui, lui aussi, est marié avec une Fon, revendique donc ses liens de parenté avec ceux-ci, en considérant (devant le chercheur) tout conflit avec les Fon de Savi comme fratricide et en en excluant d’une manière péremptoire, et je crois sincère, l’éventualité. Au cours de nos entretiens, il évoquait que ce brassage implique forcément aussi des relations rituelles entre les diverses familles. Selon ses dires, les mêmes notables fon qui interdisent toute possibilité que les Huéda reprennent leurs cérémonies dans la « Forêt sacrée », participent aux rituels des entités vodun Dan et Sakpata dans sa maison. À cet égard, il avait conclu, montrant sa conscience des divers degrés de saillance « ethnique » des cultes que « les Fon comprennent que les fétiches peuvent être partout, alors que les esprits de nos ancêtres sont ici [dans la forêt sacrée] ».
[1] Voir Unesco, 27 C/3.13, 27ème Session de la Conférence générale de l’Unesco 1993.
[2] Division du patrimoine culturel, « Remarques du Centre du patrimoine mondial », document interne, Cotonou, ministère de la Culture, s.d..
[3] Pour une analyse anthropologique et historique de la Route de l’Esclave, voir : Gaetano Ciarcia, « Restaurer le futur. Sur la Route de l’Esclave à Ouidah, Bénin », Cahiers d’études africaines, 2008, 192 : 687-705 ; « L’oubli et le retour. Figures d’une épopée mémorielle sur la Route de l’Esclave au Bénin », L’Homme, 2013, 206 : 89-120 et Robin Law, Ouidah. The Social History of a West African Slaving “Port”, Athens, Ohio University, 2004 ; « Commemoration of the Atlantic Slave Trade in Ouidah », Gradhiva, 8, n. s., 2008 : 10-27 ainsi que Gaetano Ciarcia et Jean-Christophe Monferran, Mémoire promise, film documentaire, 76 minutes, Cnrs Images, 2014.
[4] L’histoire de la situation actuelle de la Route de l’Esclave hérite d’une paradoxale relation de concurrence symbolique avec la manifestation qui a précédé et – pourrait-on dire – préparé son lancement : le festival d’arts et culture vodun Ouidah 92. Retrouvailles Amériques-Afrique, qui a eu lieu en février 1993. Nouréini Tidjani-Serpos, en tant qu’ancien vice-directeur général de l’Unesco, a été le concepteur de ces deux moments fondateurs du renouveau des cultes vodun au Bénin et de leur connexion avec la commémoration des mémoires de l’esclavage. Selon la reconstitution faite par Tidjani-Serpos lors de nos entretiens, pour des questions d’enjeux géopolitiques, il fallait trouver un argument convaincant pour soutenir la candidature du Bénin comme pays susceptible d’accueillir une mémoire emblématique de l’époque esclavagiste et des retrouvailles diasporiques. C’est donc, d’après Tidjani-Serpos, le « religieux », donc le vodun, qui a été investi par les actions et rhétoriques patrimoniales afin de devenir le « lien », voire le ciment culturel et historique, justifiant le choix de son pays comme foyer du projet international de l’itinéraire. Dans ce cadre, pour Tidjani-Serpos, l’organisation du festival Ouidah 92 n’ayant pas encore en vue l’inscription des lieux sur la Liste de l’Unesco, les statues commémorant les rois d’Abomey représentaient une histoire nationale en chantier qui n’avait pas (encore ?) pour objectif leur projection/reconnaissance sur la scène patrimoniale de la traite négrière comme ce sera le cas quelques années plus tard pour l’aménagement de la Route de l’Esclave. Une telle explication ne contredit en rien l’incontestable superposition/cohabitation de motifs mémoriels qui, s’ils sont le fait du même initiateur, Tidjani-Serpos, relèvent néanmoins d’un programme général utopique, dense de contradictions et d’anachronismes. Du point de vue d’une économie morale de la transmission du passé de l’esclavage, cette version de l’histoire récente de l’héritage culturel montre les difficultés d’associer la production d’un territoire aux usages mémoriels et aux significations « diasporiques » et la tentative des représentants d’une élite politique de se doter d’une dynastie nationale fondatrice, incarnée par la monarchie aboméenne.
[5] Marc Augé, « Les syncrétismes », in Le grand atlas des religions, Paris, Encyclopædia Universalis France, 1988 : 130 sq.
Publié sur le site de l’Atelier international des usages publics du passé le 3 mars 2015