Benito Bisso Schmidt ©

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La couverture de l’hebdomadaire brésilien « Época » du 31 mars 2014 avait pour titre « 1964: l’année qui ne s’est pas terminée » avec le sous-titre « Pourquoi, 50 ans après, le coup d’État militaire déchaîne toujours les passions? ». Dans la même période, d’autres magazines et journaux nationaux publièrent des articles sur le coup d’État du 31 mars 1964 (ou, pour certains, du 1er avril de cette même année[1]), qui destitua le président João Goulart et instaura une dictature qui dura jusqu’en 1985 (ou, pour certains, jusqu’en 1979[2]). Dans les universités brésiliennes et étrangères la date fut rappelée par des conférences, séminaires, colloques et lancements de livres, démontrant un dynamisme de l’historiographie autour de ce thème. Il y eut aussi des manifestations sociales qui évoquèrent le coup d’État, la majeure partie rejetant l’autoritarisme et la violence qui le générèrent et le suivirent, en plus d’exiger la punition des crimes commis par les agents de la répression; mais il y eut également d’autres manifestations, il est vrai minoritaires, faisant l’éloge des auteurs du coup d’État et demandant une nouvelle intervention des militaires dans la vie politique nationale, particulièrement par rapport à ce qu’ils considèrent comme une dictature « petiste » (en référence au parti majoritaire au gouvernement, le PT-Parti des Travailleurs), qui pour certains est « bolchevik », surtout parce que l’actuelle présidente du Brésil, Dilma Rousseff, fut militante dans des groupes de lutte armée qui combattirent la dictature et cherchèrent à installer un régime communiste dans le pays. Comme contribution pour raviver ces débats, nous devons aussi prendre en compte la création en 2012 de la Commission Nationale de Vérité (CNV) qui a pour but de mettre à jour les graves violations des droits de l’homme qui eurent lieu entre 1946 et 1988, mais en se concentrant sur la période de la dictature, et doit rendre son rapport à la fin de cette année. C’est probablement en raison de toutes ces discussions encore tellement présentes dans la société brésilienne que le titre de « Época » parle d’une année qui ne s’est pas terminée et d’un événement qui, pour son cinquantenaire, déchaîne encore beaucoup de passions et divise les opinions.

Quelques mois après ladite publication, en juin, un colloque qui eu lieu à l’EHESS se tourna également vers l’analyse de cette période. Son titre est assez évocateur: « La dictature brésilienne et son legs », manifestant la conviction que cette période « légua » à la société brésilienne certaines marques, qui rendraient sa compréhension indispensable à la compréhension du pays actuel.

L’événement fut composé de quatre tables rondes intitulées « La nature du régime », « Production culturelle », « Résistance et droits de l’homme » et « Mémoire, héritage et perspectives comparées », d’un film d’ouverture (le documentaire Repare bem, réalisé en 2012 par la cinéaste portugaise Maria de Medeiros, sur la vie d’un guérillero brésilien assassiné par les agents de la dictature chargés de la répression) et a réuni des chercheurs de plusieurs pays: Brésil, France, États-Unis, Angleterre et Allemagne. Certains textes présentés lors de l’événement furent publiés dans la revue Brésil(s) – Sciences Humaines et Sociales (Paris, Éditions de La Maison de Sciences de l’Homme, numéro 5, 2014).

L’objectif de ce compte-rendu n’est pas de présenter la totalité des discussions de cette rencontre, qui furent nombreuses et variées, mais plutôt d’examiner les thèmes qui générèrent les débats les plus intenses et stimulèrent des réflexions en relation avec les usages du passé dictatorial dans la société brésilienne contemporaine.

Le premier, et le plus important de ces thèmes, fut sans aucun doute celui de la nature du coup d’État de 1694 et de la dictature qu’il implanta. Les militaires se présentèrent toujours (et jusqu’à aujourd’hui, y compris dans les manuels scolaires utilisés dans les écoles militaires) comme les promoteurs d’une « révolution démocratique », qui aurait libéré le pays d’une dictature communiste préparée par des groupes « subversifs » alliés au gouvernement de João Goulart, alors président du pays. Cependant, parmi les spécialistes du thème et les groupes d’opposition, les désignations utilisées furent de préférence celles de « coup d’État militaire » et « dictature militaire », dans l’idée de privilégier le caractère « d’exception » du régime, son autoritarisme et les violences pratiquées par ses agents. Toutefois, depuis le début des années 80, avec le processus de redémocratisation, certains auteurs commencèrent à utiliser les désignations « coup d’État civil militaire » et « dictature civile militaire » pour nommer ces événements, avec pour objectif de souligner la participation de secteurs de la société civile, surtout les élites économiques et les classes moyennes, dans l’instauration et le développement du régime autoritaire. Ces expressions furent de plus en plus mises en valeur particulièrement avec les « commémorations » des 40 ans du coup d’État en 2004, autant chez les chercheurs que dans la presse ou l’opinion publique.

L’objectif de ce « révisionnisme historiographique » serait, comme cela fut dit, de mettre en évidence le soutien et la participation de groupes civils au coup d’État et à la dictature, ce qui, en termes de mémoire, viserait à souligner leur responsabilité par rapport aux pratiques autoritaires et violentes menées par le gouvernement et les agents de la répression. De fait, au Brésil, on trouve peu d’individus et de secteurs de la société qui admettent avoir soutenu la dictature, mêmes ceux qui le firent de manière notoire. La mémoire collective dominante, qui s’est constituée dans les dernières années de la période dictatoriale, a construit la dictature comme une « longue nuit », un « mal absolu », l’œuvre de militaires sadiques et truculents qui s’est abattue sur la « société brésilienne », laquelle a assisté sans défense à leur violence perpétrée contre les jeunes inconscients et idéalistes qui luttaient pour la restauration de la démocratie; selon cette narration la société brésilienne s’est peu à peu réveillée, organisée et a commencé à exiger la fin de la dictature et le retour à l’ordre constitutionnel, réaffirmant ses valeurs démocratiques les plus intimes[3].

Or, l’historiographie qui défend les termes « coup d’État civil militaire » et « dictature civile militaire » cherche justement à démystifier cette mémoire en mettant en évidence que, d’un côté, plusieurs segments de la société civile soutinrent le régime autoritaire et que, de l’autre, une bonne partie des groupes qui luttaient contre la dictature ne voulait pas « le retour de la démocratie » antérieure au coup d’État, critiquée pour être une démocratie limitée et bourgeoise, mais plutôt l’implantation d’un ordre communiste, d’une « démocratie prolétaire », assise sur des bases très différentes de la démocratie libérale. De plus, ces chercheurs, en majorité historiens, cherchent à montrer que les tendances autoritaires qui menèrent au coup d’État de 1964 trouvent leurs racines dans la société brésilienne et s’expriment, par exemple, dans la violence politique et dans la pratique disséminée de la torture contre les groupes défavorisés de la population et son acceptation par de larges segments de la société. Il s’agit donc clairement d’une façon de mobiliser le passé de manière à comprendre et critiquer la réalité brésilienne actuelle.

Dans un article publié en 2012, l’historien Daniel Aarão Reis Filho, principal représentant de cette tendance, affirma: « Si la dictature n’était ‘que’ militaire, tout le monde passe, automatiquement et en catimini, dans le camps de l’opposition. Depuis toujours »[4].

Il est intéressant d’observer l’impact social de cette mémoire ces dernières années. En 2013 eurent lieu d’importantes manifestations dans les principales villes brésiliennes. Ces manifestations furent très hétérogènes dans leurs fins, formes d’action et composition sociologique. Ce qui nous intéresse ici est de souligner que la mémoire de la dictature fut réactivée lors des mobilisations, à la fois par ceux qui aspiraient à un retour au régime autoritaire, mais, en particulier, par ceux qui établirent un pont entre le passé et le présent dans leurs revendications. Par rapport au dernier groupe, par exemple, un slogan attira l’attention : « La vérité est dure, Globo a soutenu la dictature », qui fait référence au soutien de la principale société brésilienne de communication, Rede Globo, au coup d’État et à la dictature. Peu de temps après les manifestations, ce qui a été désigné comme « la voix de la rue » a motivé des excuses publiques du réseau de communication. Son journal le plus important, « O Globo », a déclaré dans un éditorial que la décision de faire une «révision interne » sur le soutien au régime dictatorial est venue avant les manifestations populaires. Mais « la rue », dit « O Globo », « nous a donné encore plus de certitude que l’examen qui a été fait en interne était correct et que la reconnaissance de l’erreur était nécessaire ». Cet événement montre la force contestataire de la nouvelle narration en ce qui concerne la participation de la société civile au fonctionnement de la dictature et l’action des manifestants contre la mémoire conciliatrice de la dictature aujourd’hui.

Cependant, cette posture qui initialement semble avoir signifié une conquête – historiographique, politique et mémorielle – pouvant rendre possible une compréhension plus sophistiquée de cette période et une lutte plus ample pour la responsabilisation des coupables, sur des bases historiques, est apparemment devenue une menace, allant au contraire dans le sens de la déresponsabilisation des militaires par rapport au régime qu’ils dirigèrent. Au bout du compte, si plusieurs secteurs de la société civile soutinrent le coup d’État et la dictature, les militaires n’auraient en fait pas été si mauvais que cela, car ils correspondraient à des désirs plus larges (et peut-être majoritaires) du peuple brésilien.

C’est dans l’optique d’une « révision de la révision » que se réalisa la première présentation faite durant le symposium de juin par le spécialiste de sciences politiques João Roberto Martins Filho, de l’Université Fédérale de São Carlos (État de São Paulo/Brésil), intitulée symptomatiquement « Adieu à la dictature militaire? » (dont le texte peut être lu dans le numéro de la revue Brésil(s) mentionné au début de ce texte). Ses réflexions influencèrent plusieurs des présentations et débats postérieurs et, de manière générale, furent jugées correctes par les participants à l’événement.

L’auteur affirme que sa proposition « d’aller à contre-courant de la nouvelle définition » ne signifie nullement nier « la pertinence de l’idée d’un soutien civil au régime instauré en 1974 ». Il souligne toutefois ladite menace mémorielle et politique que cette nouvelle interprétation impose; au final, « le régime et ses défenseurs actuels au sein des cercles militaires on toujours eu intérêt à partager la responsabilité des actes dictatoriaux avec les civils ». Par la suite, Martins Filho présente quatre problèmes soulevés par l’utilisation de l’adjectif « civil militaire ». Le premier est au sujet de l’homogénéisation, c’est-à-dire, le fait de considérer la société civile comme un tout, sans prendre en compte ses différenciations internes (en particulier celles de classe, car ce furent principalement les élites économiques qui soutinrent la dictature), surtout si l’on considère, par contraste, la relative unité des militaires qui présentaient une culture politique de base très homogène. Le deuxième se réfère au « caractère fondamentalement militaire de l’idéologie de la dictature », la Doctrine de sécurité nationale qui avait pour bases « la notion de « sécurité nationale », l’anticommunisme, le nationalisme dans sa version militaire de droite et le rôle que doit jouer l’État dans le développement du pays, outre le concept de pouvoir national ». Le troisième problème se trouve dans la structure du pouvoir en vigueur à partir de 1964 dans lequel se vérifie, selon Martins Filho, « la militarisation rapide de l’État », car il revenait «  aux chefs militaires de décider quels groupes civils seraient appelés à participer aux décisions et leur participation serait par essence ad hoc ». Pour finir, le dernier point renvoie à la dynamique du régime qui aurait un caractère fondamentalement militaire, dans la mesure où les moments de durcissement et de détente du régime seraient déterminés, surtout, par les « conflits internes aux casernes ».

Ces défis lancés à la nouvelle historiographie et, de façon plus large, à la nouvelle narration sur le coup d’état de 1964 et la dictature, en donnant un poids important à la participation civile avec des conséquences importantes en termes de politique et de mémoire, furent repris plusieurs fois tout au long du Colloque mais, comme ce fut dit précédemment, les participants s’accordèrent de manière générale sur les pondérations de Martins Filho, sans bien sûr nier l’importance de prendre en compte la nécessité d’évaluer la participation de segments non militaires lors de ces événements. Certains participants nuancèrent toutefois cette interprétation, comme ce fut le cas par exemple de l’historien Marcos Napolito, de l’Université de São Paulo, qui rappela que des ministères importants (comme ceux de l’Intérieur, des Communications, du Transport et de l’Énergie) furent dirigés par des civils tout au long de la période dictatoriale, ainsi que le fait que le Congrès National eut un rôle significatif dans le processus de coup d’État. L’historien Bryan Pitts, de l’Université de Duke, questionna également l’idée de caractériser toute la dictature comme « militaire » ou « civile militaire », avertissant qu’il y eut des variations dans la participation de civils à des postes clés du gouvernement, comme dans les ministères de l’Agriculture et de la Planification, civils dont les capacités techniques étaient reconnues par les militaires. Il souligna pour finir que la désignation « civile militaire » répondrait particulièrement à la volonté d’attirer l’attention vers les déficits démocratiques de la société brésilienne et le sentiment de trahison de la gauche nationale pour ne pas avoir été soutenue par cette société dans ses projets de défaire la dictature et le modèle capitaliste.

Quoi qu’il en soit, les expressions « coup d’État civil militaire » et « dictature civile militaire » se sont généralisées dans les recherches académiques sur cette période ainsi que, comme on le vit dans le cas du réseau Globo, dans les mobilisations sociales qui évoquent ces thèmes, mobilisations qui, selon l’idée-clé de la « mémoire exemplaire » de Todorov[5], se servent de ce passé pour réfléchir sur les thèmes actuels du Brésil; on peut espérer que les travaux de la CNV prennent aussi en compte ces responsabilités civiles[6].

Deux autres thèmes avec des implications mémorielles significatives débattus lors de l’événement furent: la monumentalisation de la mémoire de la résistance culturelle à la dictature et la justice de transition. Le premier fut abordé par l’historien déjà cité, Marcos Napolitano, spécialiste en histoire de la musique populaire brésilienne. Selon lui, nonobstant la défaite politique et militaire des gauches, elles eurent leur victoire dans les luttes culturelles qui suivirent le coup d’État de 1964. Au bout du compte, ce furent les courants culturels liés à la pensée de gauche qui acquirent du prestige vis-à-vis de l’opinion publique, devenant influents et valorisés dans de larges segments de la société brésilienne, surtout chez les classes moyennes. Ces courants, présents dans les plus divers domaines de production artistique (musique, cinéma, théâtre, littérature, etc.), établirent des relations structurelles avec l’industrie culturelle qui se renforçait et avec le marché, faisant en sorte que l’artiste « engagé », en même temps qu’il était censuré et contrôlé, fut aussi, paradoxalement, toujours plus visible et valorisé. Avec cela, eut lieu ce que Napolitano appelle la « monumentalisation de cette culture de résistance » dans la mémoire collective, comme si elle était homogène, indemne des contradictions internes et unique lors de cette période. Une telle construction mémorielle contribua à la consolidation d’une représentation de ce passé, déjà indiquée auparavant, selon laquelle la dictature était isolée de la société et que tout les artistes lui résistaient.

Déconstruisant ce « monument », l’auteur a montré les différences internes existant dans le domaine de la « résistance culturelle » qui fut pour lui divisée en quatre groupes principaux: les artistes liés au Parti Communiste Brésilien, les libéraux, ceux identifiés à la contre-culture et ceux liés à la gauche catholique et ladite « nouvelle gauche ». Napolitano mit aussi en évidence les rivalités existantes entre de telles lignes mais également les fronts tactiques établis avec pour objectif de s’imposer sur le marché culturel, comme celui qui réunit libéraux et communistes. De plus, il souligna l’existence d’autres courants de production artistique, comme la musique « brega » (« kitsch »), qui furent ou effacés de la mémoire collective ou identifiés comme alliés de la dictature. Par conséquent, quand on se souvient de l’art produit à l’époque de la dictature, ce qui a généralement le plus de visibilité est la production d’artistes engagés, comme Chico Buarque dans la musique, Glauber Rocha au cinéma et Augusto Boal au théâtre.

Lors des débats qui suivirent la présentation de Napolitano, l’historien James Green, de la Brown University (USA), revendiqua un plus grand espace pour les manifestations de contre-culture qui furent souvent traitées « d’aliénées » par les artistes engagés en raison de leur absence de positionnement aux côtés des groupes idéologiquement de gauche et de leur attachement à surtout critiquer la morale dominante. Selon Green, de telles manifestations furent fondamentales pour le retour, à la fin des années 70, de mouvements sociaux importants comme les féministes, les noirs, les homosexuels et les écologistes.

Le second thème traite de la justice de transition, c’est-à-dire, de « […] l’effort pour construire une paix durable après une période de conflits, de violence de masse ou de violation systématique des droits de l’homme »[7], thème qui gagne de plus en plus d’importance grâce aux travaux de la CNV. Dans ce sens, il devient important de réfléchir sur comment ce processus se développe au Brésil en comparaison avec d’autres États qui vécurent aussi des dictatures de sécurité nationale dans les années 70, comme en Argentine. L’intervention de Marcelo Torelly, chercheur dans le domaine du droit constitutionnel aux universités de Brasilia et Oxford, s’effectua dans cette optique. Selon lui, il y eut au Brésil une plus grande volonté de « légalisation » de la dictature, en plus d’un nombre inférieur de morts et disparus (environ 380), ce qui rendit possible une plus grande continuité entre la légalité autoritaire, la légalité démocratique et la faible adhésion aux normes du droit international en matière de violations des droits de l’homme (ce n’est pas un hasard si aucun agent de la dictature n’a été jugé à ce jour[8]). En Argentine, au contraire, il y eut une plus grande incidence de pratiques violentes clandestines (tortures, assassinats, disparitions) et également un nombre bien plus significatif de morts (30 000 selon les organismes des droits de l’homme du pays, bien que ce chiffre fasse l’objet de contestations), ce qui entraîna, après la re-démocratisation, un usage plus significatif des normes du droit international, rendant possible la condamnation de plusieurs responsables des pratiques répressives, y compris plusieurs ex-présidents de la République. La présentation de Torelly suscita de nombreuses discussions et, plus particulièrement, des inquiétudes à propos de la possibilité pour la justice de transition au Brésil d’avancer vers une punition effective des coupables des violences et actes arbitraires commis pendant la dictature.

Beaucoup d’autres thèmes furent abordés durant le colloque, comme celui de la représentation de la nature tout au long de la dictature, la caractérisation des tortionnaires, le lien entre la résistance à la dictature et ladite deuxième vague féministe, les luttes pour l’amnistie et pour les élections directes, les différences et points communs entre la dictature brésilienne et les autres qui eurent lieu dans le Cône Sud à la même époque. Bien que la majeure partie des locuteurs fut composée d’historiens, intervinrent aussi des chercheurs en sciences sociales, droit, littérature et arts visuels. Les débats, tout au long de l’événement, furent « chauds », mettant en évidence non seulement la diversité des recherches, mais également les implications mémorielles du sujet au moment des 50 ans du coup d’État. Ainsi, le titre du magazine « Época » a peut-être raison de dire que l’année 1964 ne s’est pas terminée, non seulement en raison des nouvelles interprétations à propos du coup d’État et de la dictature, mais aussi parce que ce passé a encore des conséquences politiques et éthiques dans le présent.

[1] Le 1er avril au Brésil est appelé « jour du mensonge ». Cette date fut donc choisie par ceux qui s’opposèrent à la dictature pour marquer son début, de manière à la discréditer.

[2] La proposition de considérer la fin de la dictature en 1979 vient de l’historien et ex-guérillero Daniel Aarão Reis Filho, l’un des auteurs les plus renommés sur ce thème au Brésil. Selon lui, cette année là, avec la loi d’amnistie et l’annulation des actes institutionnels qui caractérisaient l’état d’exception, la dictature pris fin et entra en vigueur un « état de droit autoritaire », jusqu’en 1988, avec la promulgation d’une nouvelle constitution. Sa proposition fut l’objet de beaucoup de critiques et controverses.

[3] Sur la construction de cette mémoire, voir: SCHMIDT, Benito Bisso. “Années de plomb”: la bataille des mémoires sur la dictature civile-militaire au Brésil. Cahiers d’Histoire. Revue d’histoire critique. En partenariat avec Espaces Marx et la Fondation Gabriel Péri. Paris, n. 99, abril-junho 2006, p. 85-102.

[4] REIS FILHO, Daniel Aarão. O sol sem peneira. Revista da História da Biblioteca Nacional, 7(89): 31-35.

[5] TODOROV, Tzvetan. Los abusos de la memoria. Barcelona: Paidós, 2000, p. 30-31.

[6] C’est ce qu’indiquent certaines actions de la Commission comme, par exemple, la création d’un groupe de travail sur le thème « Dictature et Répression des Travailleurs et Mouvement Syndical », qui cherche à vérifier les actions répressives effectuées pendant la dictature dans les syndicats et les entreprises.

[7] ZYL, Paul van. Promovendo a justiça transicional em sociedades pós-conflito. In: REÁTEGUI, Félix (ed.). Justiça de Transição: Manual para a América Latina. Brasília: Comissão de Anistia/Ministério da Justiça; New York: Centro Internacional para a Justiça de Transição, 2011 (citation de la page p. 47).

[8] La Loi d’Amnistie de 1979, imposée par les militaires après de grands débats et pressions de la société, bénéficia à ceux qui commirent des crimes politiques ou liés à ceux-ci. Dans l’interprétation officielle en vigueur jusqu’aujourd’hui, cette dernière expression (« liés à ceux-ci ») implique l’amnistie des agents de l’État qui commirent des violations des droits de l’homme. Sur le thème voir: SCHMIDT, Benito Bisso et RODEGHERO, Carla Simone. Atelier Mémoires étouffées et bâillonnées. Usages publics du passé. http://usagespublicsdupasse.ehess.fr/index.php?id=131

Publié sur le site de l’Atelier international des usages publics du passé le 17 février 2015