On ne prétend pas ici à une quelconque exhaustivité. Celui qui jette son filet dans l’onde d’Internet sait qu’il trouvera de quoi remplir sa nasse mais il sait également que celle-ci ne sera pas assez profonde. En outre, une grille de lecture et quelques critères de sélection sont mis à profit: vous lirez ci-dessous des articles relevant la mise en scène de l’histoire par les politiques ou les médias consciemment…mais aussi à leurs dépens. La qualité et la pertinence des papiers ont bien sûr une importance cardinale, d’où la nécessité de faire l’impasse sur certains évènements. Petit florilège de la quinzaine écoulée.
Cette rubrique est rédigée par Robin Verner
Semaine du 30 mars au 6 avril 2015
France
Remue-Ménard à Bézier autour d’une figure de l’Algérie française
La volonté de Robert Ménard, maire d’extrême-droite de Béziers, de débaptiser une rue du 19 mars 1962 pour la rebaptiser rue Hélie Denoix de Saint-Marc agite de nombreux observateurs, jusqu’à certains historiens. Dans cet article, publié par Médiapart, l’historien Gilles Manceron exhume le processus historiographique qui vise selon lui à réhabiliter les pratiques d’une part de l’armée française en Algérie en se servant de la figure de cet officier, ancien résistant, ancien déporté, dont les pas ont ensuite suivi les putschistes de 1961 et l’OAS.
France
Drumont vit-il encore ?
L’historien Jean-Noël Jeanneney, animateur de l’émission Concordance des temps sur France Culture, le répète : les menaces qui pèsent sur les Français juifs se sont dernièrement accrues. Plutôt que de n’y voir que l’une des scories des crispations identitaires actuelles, il y voit un écho des fureurs des premières décennies d’une IIIème république chahutée par l’affaire Dreyfus. Avec son invité Grégoire Kauffmann, il revient tout particulièrement sur la postérité de l’héritage polémique et intellectuelle d’Henri Drumont, l’auteur de La France juive et rédacteur de la feuille antisémite La libre parole.
http://www.franceculture.fr/emission-concordance-des-temps-aux-racines-de-l-antisemitisme-francais-2015-03-14
Espagne
Franco n’a pas une statue de commandeur, il en a 86
« Laisse les morts ensevelir les morts » avait répondu à un de ses compagnons voulant enterrer son père un Jésus pas envahi par l’amour filial. Et cet adage semble correspondre parfaitement à la politique menée par les gouvernements espagnols de l’après-Franco. Mais, en dehors de la fracture entre les héritiers du franquisme et les autres, la mémoire du dictateur est encore gravée dans le marbre. 86 monuments à la gloire de Franco se dressent toujours sur le sol ibère. Une situation dont tout le monde ne parvient pas à s’accommoder.
http://www.france24.com/en/20150309-franco-symbols-live-spain-40-years-after-death/?aef_campaign_date=2015-03-09&aef_campaign_ref=partage_aef&dlvrit=66745&ns_campaign=reseaux_sociaux&ns_linkname=editorial&ns_mchannel=social&ns_source=twitter
Irak
Hatra, une ville vraiment fantôme
Pendant l’Antiquité, des peuplades arabes nomades se sédentarisent près d’une oasis perdue accolée au royaume des Parthes, au nord de l’Irak actuel, et fondent la cité d’Hatra. Vassalisée par son grand voisin, la ville réussit tout de même à conserver son autonomie et à prospérer. Les empereurs romains Trajan puis Septime Sévère viendront se casser les dents sur ses murailles en voulant mordre l’indépendance d’Hatra. Ce sont finalement les perses Sassanides qui auront raison de la cité un peu plus tard. Ses ruines ont pu dorer sous le soleil irakien tandis qu’autour de l’antique Hatra religions et empires passaient. Au début du mois de mars 2015, le groupe État islamique aurait cependant troublé la tranquillité de ces vieilles pierres. Qui sait ce qu’il en restera après eux ?
http://www.franceinfo.fr/emission/en-direct-du-monde/2014-2015/les-djihadistes-l-assaut-du-patrimoine-irakien-09-03-2015-04-03
États-Unis
Après eux, le déluge
Nous avons précédemment partagé avec vous l’analyse de l’idéologie de l’État islamique par Graeme Wood. Ici, Jay Michaelson du Daily Beast, creuse le même sillon en revenant sur la vision eschatologique des salafistes. Il explique cependant que ce sens de l’histoire, pour le moins catastrophiste, n’est pas sans ressembler… aux projections des évangélistes américains. Michaelson s’inquiète de cette convergence de vues entre les islamistes et une tradition intellectuelle qui a déjà influencé la politique américaine. Mieux que la récupération de l’histoire par le présent ? La sujétion du présent à un sens de l’histoire millénariste.
http://www.thedailybeast.com/articles/2015/03/08/evangelicals-isis-feel-fine-about-the-end-of-the-world.html
Hongrie
Avec le temps, va, tout ne s’en va pas
Le New York Times a rencontré Eva Fahidi, vieille dame hongroise, dans son appartement de Budapest. Tirée des bancs de l’école, selon ses mots, pour être déportée par les nazis à 18 ans, elle atterrira à Auschwitz . Ce portrait sensible mais pas pathétique est autant l’occasion de revenir sur la survie d’Eva Fahidi dans les camps que sur la vie qu’elle a menée ensuite. L’article s’attarde également sur ses attentes devant le réapparition épisodique de ses anciens geôliers à la surface de l’actualité. Le mois prochain, un ancien gardien d’Auschwitz va comparaître devant un tribunal, un événement qui semble plonger la survivante dans un sentiment partagé entre espoir et méfiance.
http://www.nytimes.com/2015/03/14/world/europe/a-holocaust-survivor-tells-of-auschwitz-at-18-and-again-at-90.html?partner=socialflow&smid=tw-nytimes
Belgique
200 ans après Waterloo, les Français toujours butés
Non, il n’y aura pas de pièce de 2 euros commémorant la bataille de Waterloo. La Belgique a décidé de retirer son projet de mise en circulation d’une pièce frappée du fameux lion de la butte de Waterloo. La diplomatie française s’était fendue d’un courrier pour expliquer que cette innovation monétaire pouvait entraîner une « réaction défavorable dans l’Hexagone » et se révéler « préjudiciable » à l’heure où « les gouvernements tentent de renforcer l’union économique ». Si l’histoire a fait rire en Angleterre, elle a étonné en Belgique où personne, semble-t-il, ne s’attendait à pareille polémique. C’était compter sans la douleur toujours vive, au moins chez les responsables français. Ah la la, si seulement ça avait été Grouchy et pas Blücher… http://www.lemonde.fr/europe/article/2015/03/12/une-nouvelle-bataille-de-waterloo-evitee-dans-la-zone-euro_4592750_3214.html