Ewa Tartakowsky ©

etartakowski@yahoo.fr

Télécharger ce document (pdf 150 ko)

Compte rendu de l’ouvrage de Geneviève Zubrzycki, The Crosses of Auschwitz. Nationalism and Religion in Post-Communist Poland, Chicago/London, The University of Chicago Press, 2006. 278 p.

Quels sont les mécanismes en œuvre pour construire un récit national ? Avec et contre quels passés les entrepreneurs de la mémoire  doivent-ils composer, quels images et discours mobilisent-ils à des moments singuliers d’actions collective ? Quel lien entretiennent entre eux nationalisme et religion ? C’est à ces questions que répond magistralement Geneviève Zubrzycki dans son étude microsociologique sur la construction identitaire nationale, The Crosses of Auschwitz. Nationalism and Religion in Post-Communist Poland, qui comble un vide dans ce champ de recherche. Si les études sur les nationalismes ainsi que sur la naissance des nations et l’origine de la narration des récits nationaux font l’objet de nombreux travaux (note A), ces problématiques restent sensiblement moins analysées au regard des sociétés issues des transformations politiques survenues en Europe de l’Est à partir de la fin des années 1990. En effet, le regard des historiens et des sociologues a d’abord été attiré par les changements économiques et institutionnels, laissant de côté l’étude des reconfigurations mémorielles, même si celles-ci représentent l’un des enjeux majeurs encore aujourd’hui (B).

En Europe de l’Est, la Pologne constitue l’un des laboratoires propices à la compréhension des redéfinitions symboliques, parfois contradictoires, à l’œuvre dans une société en train de reformuler le contenu de sa propre identité, son fonctionnement et ses significations multiples, bref, pour comprendre la naissance d’un nouveau récit national.

On assiste d’un côté à des politiques mémorielles de reconnaissance d’un passé jusque-là considéré comme « falsifié » par l’imposition d’une histoire officielle communiste ce qu’illustre le cas du massacre de Katyn. Longtemps nié par le pouvoir, il perdure toutefois dans le canon sub rosa de la mémoire collective pour devenir synonyme après 1989 de la vérité niée par un régime totalitaire, d’une liberté enfin retrouvée, d’un double patriotisme des officiers polonais massacrés par le NKVD en 1940 et de la nation polonaise ayant survécu au communisme imposé de 1945 à 1989. D’autre part, on voit émerger des demandes de reconnaissance symbolique à travers la mise en avant des mémoires du crime génocidaire, des crimes racistes ou antisémites par des minorités religieuses et/ou culturelles persécutés. Il s’agit de demandes d’intégration dans le récit national des mémoires « embarrassantes » et non revendiquées par la collectivité nationale. Ainsi, l’histoire des Juifs polonais de Jedwabne brûlés dans une grange par leurs voisins polonais a déclenché une tempête médiatique et permis de repenser le récit national.

 Auschwitz, comme lieu de mémoire, est un autre exemple de cette recomposition mémorielle qui participe de la construction et/ou déconstruction d’une mythologie nationale. C’est cette transformation d’un lieu de la martyrologie polonaise en symbole de la Shoah que retrace Geneviève Zubrzycki. Son analyse permet de décortiquer et de déconstruire le lien étroit entre « polonitude » et catholicisme, dont le point commun serait la figure polysémique de la croix, tantôt symbole religieux politisé, tantôt référent national religieux.

Le cœur de l’enquête porte sur la « guerre des croix », événement ayant lieu sur le terrain du camp d’Auschwitz de l’été à l’automne 1998, et résultant d’un conflit débuté en 1984 avec l’installation du couvent des Carmélites à Oswiecim, nom polonais de la ville d’Auschwitz. Selon l’accord conclu en 1987 entre l’Eglise catholique romaine et les leaders de la communauté juive européenne, le couvent devait déménager des alentours du camp d’Auschwitz en 1989, mais il y reste jusqu’en 1993 provoquant des tensions croissantes avec les représentants de la communauté juive polonaise et internationale.

Dans ce contexte de pressions lourdes en faveur du déplacement, la présence catholique à Auschwitz va être renforcée à l’automne 1988. La croix qui avait servi pour célébrer la messe du pape Jean-Paul II à Birkenau en 1979 est installée secrètement et anonymement dans « la fosse de gravier » (C). Ce geste hautement symbolique renvoie à une pratique bien connue durant la période de la République populaire qui consiste à « sacraliser » des lieux par la présence de la croix, comme cela a été le cas notamment lors du conflit dans l’aciérie de Nowa Huta en 1960.

En févier 1998, Krzysztof Sliwinski, ambassadeur plénipotentiaire auprès du ministère des Affaires étrangères, évoque dans une interview accordée au journal français La Croix le projet d’enlèvement de la « croix papale ». A la mi-mars, certaines églises célèbrent des messes au nom du « respect et la protection de la croix papale » ; durant la Marche des vivants, organisée annuellement en avril par la communauté juive, des banderoles brandissent des slogans : « Keep Jesus at Auschwitz », « Polish Holocaust by Jews 1945-1956 » (D), « Défendons la croix », « Ici pendant la guerre les Allemands massacraient les Polonais »… Kazimierz Switon, membre de l’aile droite de l’opposition durant la période communiste, appelle à placer 152 croix autour de la « croix papale » pour la défendre et en mémoire de 152 Polonais tués par des nazis en 1942. L’action est encouragée par la radio fondamentaliste catholique, Radio Maryja. Au total plusieurs centaines de croix sont placées dans la fosse de gravier par des autoproclamés « Polonais catholiques » sur le terrain juxtaposant le camp de concentration. Des messes sont organisées devant un hôtel improvisé et des pèlerins se déplacent pour prier sur place. Il faudra la déclaration de l’épiscopat polonais, demandant d’arrêter d’ériger les croix sur le site, pour que les « défenseurs » cessent progressivement leur action. Les croix ont finalement été replacées sur le terrain des Franciscains en mai 1999 par l’armée polonaise.

 L’engouement des militants polonais pour le lieu du camp ne relève pas uniquement de la seule présence du Carmel ou de la « croix papale ». En effet, si le nom allemand « Auschwitz » est pour le Juifs et la communauté internationale le symbole du génocide nazi, « Oswiecim » – le nom polonais de la ville – représente l’un des lieux de martyrologie polonaise. Initialement, le « KL Auschwitz » a effectivement été créé pour des prisonniers politiques polonais. Lorsque le projet de la « solution finale » a été adopté en 1942, le camp devient le lieu d’extermination des Juifs avec la création d’un nouveau camp Auschwitz II-Birkenau. Mais « Oswiecim » demeure le symbole de la martyrologie polonaise au point où la loi instaurant le Musée nationale de Oswiecim-Brzezinka sur le site du camp en 1947 le présente comme « un monument de préservation de la mémoire du martyre de la nation polonaise et d’autres nations » (E). L’origine juive de la population tuée dans le camp est dissimulée et le fait que 90% des morts d’Auschwitz ont été des Juifs n’est mentionné qu’à partir des années 1990. Auparavant, on évoque les quatre millions de morts polonais et de 23 nationalités, victimes du fascisme hitlérien. Ce procédé sert alors avant tout à glorifier les victimes et les libérateurs du fascisme, les Soviétiques. « Oswiecim » devient un outil de propagande, apparaît dans des manuels scolaires et des discours officiels. Le Musée s’inscrit dans la même problématique et présente le camp comme une entreprise capitaliste, fruit d’une dégénérescence du capitalisme et de l’impérialisme, ennemi de l’URSS. Mais « Oswiecim » est aussi un symbole pour l’Eglise catholique polonaise, car des membres de son clergé ont été parmi les premières victimes du camp (F).

La « guerre des croix » se révèle donc, dans un premier temps, une « guerre des mémoires » : la mémoire de la Shoah opposée à la mémoire des victimes polonaises du nazisme. Mais au-delà de l’interprétation du conflit largement diffusée dans les médias internationaux opposant l’antisémitisme polonais et la mémoire du génocide nazi, l’affaire cristallise les divisions et conflits à l’intérieur même de l’Eglise catholique polonaise et montre une crise institutionnelle dans la Pologne post-communiste. Si l’aspect antisémite de l’épisode a été un élément important du conflit, il n’en a pas été, selon Zubrzycki, le plus significatif. Sa thèse démontre comment la « guerre des croix » a révélé d’abord les axes de partages intra-religieux et intra-nationaux et partant, la reformulation du signifiant de la nation dans la Pologne post-communiste et de son rapport à l’Eglise. Sa recherche se propose donc d’interpréter la « guerre des croix » comme un catalyseur de redéfinition des rôles entre le nationalisme et l’Eglise, un travail identitaire qui ne va pas de soi…

En effet, une relation triangulaire noue de longue date l’Etat, l’identité nationale et l’Eglise. Tout d’abord, la nation est définie en termes ethno-religieux (G) ; l’Eglise catholique, parce qu’elle procure un cadre institutionnel, idéologique et symbolique pour la société civile, et gardien légitime des valeurs nationales. En effet, la période des partages (1795-1918) interrompt le processus de construction étatique basée sur des valeurs civiques pour le réorienter vers de nouvelles composantes de l’identité polonaise, construisant un nouveau cadre narratif pour le nationalisme polonais. Le dernier partage (1795) met fin à la conception multiethnique de la citoyenneté, l’identité polonaise se définissant désormais en opposition aux « Autres ». Il s’agit de sauvegarder une identité catholique et polonaise face aux protestants allemands et aux orthodoxes russes d’un côté et aux politiques répressives de russification et germanisation des parties annexées par la Russie et la Prusse de l’autre. Dans cette configuration, puisant dans un vocabulaire messianique, les poètes romantiques jouent un rôle non sans importance en diffusant le mythe de la Pologne comme rempart de l’Europe contre les infidèles, le Christ des nations martyrisé pour les péchés du monde, un pays gardé par la Vierge de Czestochowa. La croix devient alors le symbole même de la Pologne et ses représentations iconographiques se multiplient. C’est à cette période que l’identité polonaise se catholicise et que le catholicisme se nationalise. En effet, les intellectuels et formations politiques font de nombreux efforts pour consolider l’identité nationale catholique, comme en témoigne Endecja, acronyme du parti « Démocratie nationale », particulièrement active dans ce champ notamment par la publication du journal « Polak-Katolik » distribué parmi la paysannerie.

Il n’est donc pas étonnant qu’au moment de l’indépendance en 1918, la nation soit définie sur des bases ethniques comme une communauté de langue, de culture et de croyance, même si les Polonais « purs » ne représentent que 64% de la société.

A cette période, Roman Dmowski, à qui l’Assemblée nationale rend hommage en 1999 en louant sa « compréhension du lien étroit entre le catholicisme et la polonitude pour la survie de la nation et la reconstruction du pays », forge et politise une identité nationale enracinée dans le catholicisme et dont l’Eglise catholique serait gardienne. Dans cette Pologne encore multiculturelle, ce procédé permet une hiérarchisation des groupes en plaçant en haut de l’échelle des catholiques, en bas les Juifs.

La période d’après 1945 prolonge cette vision ethnique de la citoyenneté. Si la démocratie populaire est présentée comme la réalisation du progrès, elle ne rompt pas avec l’idéologie nationaliste basée sur l’ethnicité d’autant qu’il s’agit là d’un pays ayant connu de profondes évolutions démographiques : les Juifs disséminés par le génocide nazi, les Allemands déplacés des territoires regagnés à l’Est de la Pologne et annexés à elle, les Polonais ethniquement « purs » représentent 95% de la population. Mais cette période s’inscrit aussi dans la vision d’une longue suite d’occupations successives. Dans cette perspective, l’Eglise catholique assume, une fois encore, le rôle « traditionnel » de gardien de la nation face à l’oppresseur étranger ; la mécanique de définition par rapport aux « Autres » est à nouveau mise en marche : « nous », la nation polono-catholique se place en opposition à « eux », un gouvernement étranger et athée.

A partir de la visite du pape Jean-Paul II en Pologne en juin 1979, on note un usage omniprésent de symboles religieux durant les grèves et les manifestations. Naît alors l’iconographique empruntée au romantisme messianique : les motifs de la Vierge de Czestochowa ou des scènes de la Passion. La croix redevient l’expression de la révolte contre le régime et sa présence est revendiquée y compris par certains athées ou Juifs. La naissance d’une opposition politique structurée à partir des années 1970 ne se pose en opposition à l’Eglise, car les deux acteurs luttent contre un ennemi commun, le gouvernement.

 Mais la création d’un nouvel Etat légitime aux yeux de la société questionne de fait le lien étroit entre nation et religion : d’autres espaces d’expressions libres se dessinent et l’Eglise perd sa centralité vis-à-vis de l’Etat. Certes, la religion reste l’un des attributs de la « polonitude », mais seulement un parmi d’autres (H). Si la gauche laïque a pu durant la période communiste soutenir des grèves avec des symboles religieux, elle change d’attitude après la transformation en considérant que leur exhibition dans des lieux publics est signe d’intolérance. Les sondages illustrent cette perte du monopole de l’Eglise pour exprimer l’identité nationale : si en 1989, 90% de Polonais approuvaient l’activité de l’Eglise, en 1993 ce chiffre tombe à 38%. A la période post-communiste, un premier épisode institutionnel de redéfinition des rôles entre deux acteurs se cristallise autours du débat sur le préambule de la Constitution adoptée en 1997 (I). La « guerre de croix » en est un autre, en engageant un débat impliquant la plupart des acteurs de la collectivité nationale. Même si le Comité social de défense des croix en tête avec Kazimierz Switon reste marginal sur la scène politique polonaise, il mobilise l’opinion publique et la conduit à s’exprimer sur l’identité nationale polonaise et la situation de l’Eglise catholique dans la nouvelle République après la transition de 1989. Différents segments de la société polonaise ont alors cristallisé les principaux clivages dans la société contemporaine en Pologne. La mobilisation de l’esthétique messianique du XIXe siècle ainsi que des mises en scènes militantes de l’époque de Solidarnosc ont non seulement permis une dramatisation souhaitée de l’occupation du lieu, mais ont révélé une vitalité des symboles et des discours nationaux anciens. Cette recrudescence du nationalisme est, selon Zubrzycki, le résultat de la transition post-communiste pensée largement comme nationale, c’est-à-dire comme le retour à l’indépendance nationale et la construction de l’Etat comme polonais.

Toutefois, l’analyse détaillée des prises de position de divers acteurs autour de la « guerre des croix » permet de déconstruire l’homogénéité de l’identité de la société polonaise. Celle-ci reste certes à forte teneur polonaise et catholique, mais revêt une dimension polysémique et entretient avec la religion un lien à géométrie variable. L’affaire des croix a permis de distinguer clairement l’existence de divers acteurs politiques jusqu’alors réunis dans l’opposition face au régime : la droite nationaliste et la gauche sécularisée, la hiérarchie épiscopale et les auto-proclamés défenseurs des croix, les médias conservateurs et ceux promouvant la sécularisation de la société. De manière générale, l’affaire, au-delà du conflit opposant Juifs et Polonais, portait sur le devenir de la nouvelle République et sa nature institutionnelle. La question reste ouverte, car la « croix papale » est toujours érigée sur la fosse de gravier en face du block de la mort, rappelant d’une certaine manière le conflit et le débat toujours en cours sur la place de la religion en Pologne. Des débats récents sur la présence de la croix à l’Assemblée nationale ou dans des écoles témoignent dans le domaine politique des difficultés à dissocier la « polonitude » de la symbolique catholique. Nous avons pu observer cette même difficulté lors des commémorations « spontanées » après le crash de l’avion présidentiel à Smolensk en 2010 (J) pendant lesquels la même panoplie de symboles religieux et nationaux est mobilisée. Un autre groupe de « défenseur de la croix » a alors empêché le déplacement d’une croix placée devant le Palais présidentiel qualifiant ce déménagement de profanation de la nation et de la religion. Autre signe de la transition de sécularisation en marche dans la Pologne contemporaine.

En somme, l’étude de Geneviève Zubrzycki complète la recherche sur le nationalisme et le cas singulier de la Pologne où l’histoire politique ne s’est pas construite sur la base des institutions et symboles politiques devenus, selon le mode de la Révolution française, objet de dévotion religieuse, mais sur le socle de symboles religieux qui une fois sécularisés dans la période post-communiste sont à nouveau sacralisés en tant que symboles nationaux. Son ouvrage, précieux à maints égards, devrait, c’est en tout cas ce qu’il faut souhaiter, encourager d’autres études sur les interactions qu’entretiennent politique et religion, nation et Eglise, identité et croyance dans des nations sans territoire ou sans Etat.

Notes

A.  Voir à ce propos notamment les travaux de : Benedict Anderson, Imagined Communities. Reflexion on the Origin and Spread of Nationalism, Londres, Verso, 1983 ; Pierre Birnbaum (dir.), Sociologie des nationalismes, Paris, PUF, 1997 ;Patrick Cabanel, La Question nationale au XIXe siècle, Paris, La Découverte, 1997 ; Ernest Gellner, Nations and Nationalisme, Oxford, 1983, Eric Hobsbawn, Nations and Nationalismsince 1780, Cambridge, Cambridge University Press, 1990 ; Krzysztof Pomian, L’Europe et ses nations, Paris, Gallimard/Le Débat, 1990 ; Anne-Marie Thiesse, La création des identités nationales, Éditions du Seuil, 1999.

B. Voir les récents travaux sur les enjeux mémoriels : Georges Mink et Laure Neumayer, L’Europe et ses passés douloureux, La Découverte, 2007 ; Marie-Claude Maurel et Françoise Mayer (dir.), L’Europe et les représentations du passé, les tourments de la mémoire, l’Harmattan, 2008 ; Sonia Combe (dir.), Archives et histoire dans les sociétés post-communistes, La Découverte/BDIC, 2009 ; Gesine Schwan, Jerzego Holzera, Marie-Claire Lavabre, Birgit Schwelling (dir.), Demokratyczna tozsamosc polityczna, Varsovie, Wyd. Naukowe Scholar, 2008.

C. « La fosse de gravier » (« zwirowisko ») est située en face du block de la mort sur le terrain du camp d’Auschwitz. Elle fait référence au lieu de travail forcé des premiers prisonniers du camp et coïncide avec le lieu où ont été fusillés 152 résistants polonais.

D. Originellement en anglais.

E. Le Musée a revu son récit muséographique dans la période récente en introduisant le caractère majoritaire des Juifs parmi les prisonniers. Le nombre de victimes est aujourd’hui estimé à un demi million de victimes, dont 90% de Juifs. La population polonaise déportée à Auschwitz est actuellement évaluée à 375 000 Juifs polonais et 150 000 non Juifs (dont 70-75 000 morts). En 1998, le Musée change de nom. De Musée national Oswiecim-Brzezinka, il devient Musée national Auschwitz-Birkenau à Oswiecim. Ce procédé de germanisation sert ici également à dissocier le camp d’« Auschwitz » de la ville d’« Oswiecim ».

F. Citons deux figures béatifiées de l’Eglise : Maksymilian Maria Kolbe, décédé dans le block de la mort, lieu qui est devenu depuis un sanctuaire à sa mémoire ; Edith Stein, Juive allemande convertie en catholicisme, entrée au Carmel en adoptant le nom de sœur Térèse Bénédicte de la Croix et morte à Auschwitz.

G. Cette définition n’est pas toujours propre à la Pologne. Dans la période de la République polono-lithuanienne, émerge une proto-nation (« the civic protonation ») basée sur des principes civiques et non ethniques dont les institutions républicaines étaient gardienne (même si celles-ci n’étaient composées à l’époque que de la noblesse).

H. Il convient toutefois de rappeler un jugement du Tribunal de Lodz sur une plainte concernant la décoration de l’hôtel de ville par une croix. Le Tribunal a rejeté la plainte estimant la croix comme symbole de la culture polonaise. La Cour d’appel a entériné la décision du Tribunal de Lodz en précisant que « la croix exprime des valeurs morales et historiques du patriotisme polonais. »

I. Le débat portait sur l’entité constituante : le centre gauche proposait « Nous, les citoyens polonais » ce à quoi la droite et l’Eglise ont opposé « Nous, la nation polonaise ». Le compromis sera finalement: « Nous, la nation polonaise, tous les citoyens de la République ». Le débat portait également sur l’invocatio Dei. La version finale fait référence à Dieu et aux valeurs religieuses, mais les présentent aux côtés des traditions humanistes des Lumières. Si le centre gauche parle alors d’« un grand consensus » et de l’établissement d’« un contrat social », la droite crie « la trahison ».

J. Le 10 avril 2010, le président polonais Lech Kaczynski ainsi qu’une grande partie de la plus haute élite administrative et militaire meurent dans la catastrophe aérienne de Smolensk alors qu’ils se rendaient en Russie pour commémorer le massacre de Katyn.

 

Publié sur le site de l’Atelier international des usages publics du passé le 20 janvier 2013